[Messe] Messe de Frère Bayard du 13/04/1461

Frère Bayard entre dans la grande abbatiale pour y célébrer une messe, celle de sa licence en théologie. Devant l'autel, il commence par regarder vers la nef, puis vers ceux qui sont là. Il est un peu impressionné, mais son Amour de Dieu est plus fort. Il prend une grande inspiration, sourit à son auditoire et commence sa cérémonie, mains ouvertes en signe de bienvenue. Après une seconde durant laquelle les mots ont de mal à sortir de sa bouche, il trouve enfin les paroles sacrées pour débuter la cérémonie.

Mes biens chères Soeurs, mes biens chers Frères, soyez tous les bienvenues dans la Maison de Notre Dieu et de notre Communauté. Cette Maison est la vôtre, celle de la Grande Famille des Fidèles.
Que la Protection de Dieu soit avec vous et que jamais vous ne vous détourniez de la Vertu, surtout en ces temps troublés où l'hérésie et l'appât du gain gagnent jusqu'à nos Frères et nos Soeurs. N'oublions pas la Voie de la Vertu car notre récompense sera de nous retrouver au Paradis, dans la félicité et le bonheur absolu.

Il regarde, durant un instant, la foule assemblée dans l'abbatiale. Sourire aux lèvres, il prend son Livre des Vertus et l'ouvre à la page qu'il a marquée. Il parle de sa voix forte, pour qu'on l'entende bien jusqu'au fond.



Livre des Vertus, Vie de Christos, chapitre 5. Grâce soit rendue à Dieu.

Jeshua marchait dans les dunes depuis plusieurs jours déjà, buvant l’eau de son outre et mangeant les sauterelles venues du sable, lorsque fatigué, l’envie lui prit de s’étendre de tout son long et de ne plus bouger. Il lui semblait qu’une force mystérieuse lui disait :

"Arrête-toi, Christos, fils de Giosep, car tu es fatigué. Si tu voulais, tu pourrais rebrousser chemin et rentrer chez toi sans t’épuiser."

C’était la créature sans nom, celle qui vivait dans l’ombre depuis les millénaires. Elle ne voulait pas qu’à travers Christos, la parole d’amour de Dieu se répande. Aussi avait-elle décidé de le corrompre afin de le détourner de sa juste mission. Si les racines de l’arbre noircissaient, alors celui-ci ne porterait jamais de fruits.

Christos répondit, sans se mettre en colère : " Va t’en, toi qui veux me perdre dans la paresse, je continuerai car le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ! "

Et la tentation de se reposer se dissipa en cet instant.

Alors, comme Jeshua jeûnait depuis des jours, il avait de plus en plus faim. Il sentait son ventre lui faire mal, et monter en lui l’envie d’ouvrir les dernières provisions qui lui restaient dans son sac en peau de mouton. La créature sans nom, douée d'un charisme exceptionnel lui disait :

" Ouvre ton sac, Christos, fils de Giosep, car tu as faim. Mange donc cette viande et ce pain qui t’attendent… tu pourras toujours te réserver les sauterelles pour plus tard. "

Christos répondit, sans se mettre en colère : " Va t’en, toi, qui veux me perdre dans la gourmandise. Je n’ouvrirai pas mon sac car le monde appartient à ceux qui savent endurer la faim. "

Alors, comme Christos se trouvait au beau milieu du désert, il était fatigué, il avait faim et son corps lui faisait mal. Soudain, en fixant l’horizon devant lui, il eut l’impression de voir une oasis. C’était un petit lac entouré de buissons verts. L’oasis était encore loin mais des cris d’allégresse semblaient s’en échapper. Christos reconnut bientôt des silhouettes féminines, nues, se baignant dans cette pièce d’eau. La voix mielleuse de la créature sans nom lui dit :

" Qu’attends-tu, Christos, fils de Giosep, pour les rejoindre ? Ne les entends-tu pas ? ces belles femmes qui t’appellent ? Elles sont toutes à toi ! et belles, en plus, mazette ! "

Christos répondit, sans se mettre en colère : " Va t’en, toi, esprit du vice, qui veux me perdre dans la luxure. Je ne détournerai point ma route, car aussi vrai que je te le dis, cette oasis et ces femmes vont disparaître de ma vue. "

Et en effet, bientôt, l’image de l’oasis se dissipa, laissant à Christos la vision d’un désert étendu jusqu’à l’horizon et irradié par le soleil.

Alors, comme Jeshua continuait à marcher, sans regarder derrière, il vit soudain devant lui l’image d’une grande ville. Cette cité était magnifique, les tours et les murailles ne cachaient pas sa richesse et les maisons, ornées d’ors et de pierreries, semblaient briller de mille feux. Un dôme dépassait, qui devait être celui du palais du maire. La douce voix de la créature sans nom dit à Christos :

" Vois cette belle ville, et contemple sa richesse ! Si tu voulais, tu pourrais en devenir le maire, avec les talents que tu possèdes. Car en vérité, tu as été capable de jeûner durant toutes ces journées, ainsi que de résister à la fatigue et aux femmes ; ta force de caractère pourrait t’emmener très haut ! "

Alors Christos lui répondit, sans se mettre en colère :
" Va t’en, Esprit malin, qui veux me perdre dans l’orgueil, l’envie et l’avarice. Je résisterai aussi à ces péchés là, car il est petit, celui qui cède à ses pulsions. "

Alors la créature sans nom dit : " Dieu nous a faits ses enfants car nous sommes les plus fortes de ses créatures. Parmi nous, je suis sa préférée, car je suis le plus fort de nous tous. J’ai compris que le fort devait dominer le faible, comme vous les hommes, dominez les vaches, les cochons et les moutons. Dieu nous a donné Sa création pour nous apporter les mille plaisirs du corps et de l’esprit que nous méritons. Y a-t-il un meilleur moyen de Lui rendre hommage autrement qu’en sachant apprécier les plaisirs de Sa création? "

Mais Christos lui rétorqua : "Va-t’en, tentatrice! Ta présence parmi la création est une injure faite à Dieu. Sache que tu n’es pas Sa préférée. Il t’a reléguée dans l’ombre, car tu t’es détournée de Sa lumière. Il ne t’a laissé la parole qu’afin d’éprouver la foi des humains. "

et il ajouta: “Dieu nous a fait ses enfants car nous sommes les seuls à savoir aimer sans rien attendre en retour. Il ne t’a pas donné ce titre, vile créature, car tu n’as pas de cœur, car ton âme est noire comme le jais. Certes, le monde, créé par Dieu, est source de mille plaisirs. Certes, c’est lui rendre hommage que de savoir les apprécier à leur juste valeur. Mais ces plaisirs doivent être dégustés et non dévorés. Seule la vertu, telle que nous l’a enseignée le prophète Aristote nous permet d’apprécier les plaisirs du monde sans tomber dans le vice et le péché.”

Il conclut enfin: “Car le péché est la négation de la perfection divine. L’abandon total aux mille plaisirs s’accompagne du détournement de l’amour de Dieu, alors que le goût simple et mesuré de la création divine ne peut se faire que dans l’amour de son créateur. Alors va t'en!"

Aussitôt, la créature sans nom, qui rampait à ses côtés, disparut, le laissant aux portes du désert. Il avait traversé ce pays de tentations durant quarante jours.

Frère Bayard s'arrête un instant, puis reprend, s'éclaircissant un peu la voix.

Comme nous le montre cet extrait du Livre des Vertus, l'homme vertueux ne doit pas se laisser abuser par le Sans Nom et céder à la tentation.
Nous voyons partout des gens céder à la tentation de l'hérésie, de l'argent facile grâce au pillage ou à la luxure.
Bien sûr, Christos, tant de fois, aurait pu céder aux appels du Sans Nom, mais il ne l'a pas fait. Il a ainsi montré sa Vertu.
Résister à la tentation, c'est la voie que doit choisir le Vertueux.
Car le Sans Nom peut prendre beaucoup de formes et guette le moindre moment de relâchement, de doute, de faiblesse ou de perte de Foi. C'est dans ces moments-là que le Vertueux fidèle ne doit pas céder à la facilité et conserver intacte la force de sa Foi, trouver en Dieu la Force de ne pas se laisser corrompre.
Car la Foi ne s'éprouve que dans la difficulté et dans les moments de doute. Heureux celui qui se tourne alors vers Dieu pour recevoir son amour.

Il salue son professeur d'un signe de tête et revient à sa messe. Au bout de quelques secondes d'un silence presque parfait, il reprend la parole.

Mes Soeurs, mes Frères, il est temps de tourner nos coeurs vers Dieu pour lui demander Pardon, parce que nous sommes des pécheurs :

Il apprécie d'entendre toute l'Eglise demander le Pardon de Dieu, avec une telle ferveur. Il scrute les moindres réactions de son auditoire, puis continue sa cérémonie, quelques secondes plus tard.

A présent, récitons tous ensemble la prière la plus sacrée de notre Eglise :

Il regarde dans la foule, pleine de ferveur. Il s'étonne de ne pas avoir entendu la voix de Mère Eloin, pourtant si reconnaissable. Sans s'inquiéter, il passe à la dernière phase de la messe.

A présent, il est temps de partager le Pain et le Vin. Communions ensemble dans l'Amitié Aristotélicienne.

Il rompt le pain et le partage avec ses fidèles.

Il répond simplement à Mère Eloin, avec beaucoup d'humilité, en murmurant à peine.

Merci. J'essaie toujours de faire de mon mieux. Pour le service de Dieu et des Fidèles...

A la fin du partage, alors que tout le monde à regagner sa place, il reprend la parole, une dernière fois.

Allez dans la paix et l'Amitié de Dieu. Puisse-t-Il vous garder en son Amour.

Il termine la cérémonie d'un geste amical, envers ceux qui sont là.

Frère Bayard salue humblement le Père Recteur de l'Abbaye. Il se sent impressionné devant un homme qui a l'air si sage.

Merci mon Père. J'essaie de servir au mieux de mes possibilités Dieu et les Fidèles qui écoutent mes messes. Et même ceux qui ne les écoutent pas...
J'espère me montrer toujours digne de ces félicitations, mon Père...

Bardieu ne fut pas surpris des mots du frère Bayard. Dans sa tête, le cistercien se dit qu'il ira loin et réussit à convertir moultes fidèles, car il avait un idéal, le rêve aristotélicien.

Si vous cherchez un conseil, mon frère, restez tel que vous êtes. Restez à l'écoute et vous verrez la confiance de tous monter, tout en restant, selon l'idéal cistercien, humble. Le moine prit un air interrogatif. Avez vous des idées sur votre avenir, mon frère ?

Frère Bayard écoute le Père Recteur avec attention. Il lui répond presque immédiatement.

Mon Père, mon avenir est au service de Dieu. Je vais terminer ma licence à l'Abbaye puis commencer une formation en Exorcisme. Ensuite, je compte consacrer ma vie à mes ouailles, en tant que diacre sacristain d'Arles.

Frère Bayard sourit.

Mon Père, c'est le cas. Je suis épris d'une dame formidable, que j'ai moi-même baptisée. Elle s'appelle Hambre et elle a accepté ma demande en mariage. C'est pour cela que je tiens à rester diacre.