[RP] Souper de fin d'été

Après une journée bien remplie, entre les enseignements dispensés au séminaire, la gestion des affaires de son évêché qui se pouvaient régler par correspondance, et de pieuses lectures destinées à perfectionner ses connaissances théoriques en voie de l'Eglise, la moniale rejoignit le réfectoire, afin de participer au repas du soir, et ainsi se sustenter avant de rejoindre sa cellule pour la fin de la soirée, puys la nuit.

Ce soir, comme à ses habitudes, elle s'installa à table après avoir mis le couvert pour une dizaine de personnes. Entre les moines résidant actuellement à l'abbaye, et les séminaristes demeurant trop loin pour rentrer chez eux entre deux enseignements, il se trouvait toujours un peu d'activité entre les murs de la séculaire abbaye mère de l'ordre cistercien.

En revanche, contrairement à ses habitudes, elle disposa le repas non point dans sa seule écuelle, mais dans une seconde, juste à côté d'elle, car elle attendait un visiteur. Un jeune homme croisé en salle d'inscription du séminaire, et dont le nom avait attiré son attention.

Bardieu entra dans le réfectoire car l'heure du diner approcher. Visiblement, les couverts avaient été dressés pour accueillir une dizaine de personne. Le cistercien commença par aller voir ce qui mijotait. Visiblement, un bouillon de légumes, avec un peu de pain. Le repas monastique idéal en quelque sorte, bien que Bardieu commençait à prendre gout aux plats en sauce des tavernes et des châteaux. Mais un repas simple ne signifie pas un repas en silence, Bardieu prit un livre des vertus et commença une lecture. Il prit soin avant de préciser le chapitre concerné du livre saint et lut avec une vue lente et pesante chaque mot du texte.

Par un jour sans nuage, Aristote avait convié ses disciples à admirer la voûte céleste. Tous s’émerveillaient de la beauté des astres, brillant comme des flambeaux sur un ciel d’encre. Le maître montrait à ses élèves comme les étoiles ont un mouvement caractéristique. Mais certains commençaient à avoir froid et voulaient rentrer se coucher.
Sargas : "Maître, ne serait-il pas plus profitable pour nous de discuter et d'étudier plutôt que de paresser ainsi dehors ?"
Aristote : "Ainsi donc, tu penses que nous paressons. Ne crois-tu pas que les sphères célestes soient les choses les plus parfaites qui existent ?"
Sargas : "Je ne sais pas."
Aristote : "De quelle manière se déplacent les astres, dis-moi ?"
Sargas : "Maître, ils se déplacent en cercles, fixés qu'ils sont sur des sphères cristallines et transparentes."
Aristote : "Bien. Et la Terre, quelle est sa forme ?"
Sargas : "L'observation des étoiles à l'horizon, lors d'un voyage ou depuis le pont d'un bateau, nous montrent qu'elle est ronde."
Aristote : "Ainsi donc tu écoutes fidèlement mes leçons. La Terre est sphérique, et le ciel se compose de sphères supportant les astres. Le cercle et le mouvement circulaire sont partout. Or quel mouvement est plus parfait que le mouvement circulaire ?"
Sargas : "Aucun maître, car il se suffit à lui-même et traduit la continuité. Le mouvement circulaire est le mouvement parfait par excellence."
Aristote : "Or un mouvement parfait ne peut être produit que par une puissance parfaite. Et la seule puissance parfaite, c'est Dieu ! Chers disciples, l'observation des cieux nous permet de comprendre comme sont bien agencées les sphères célestes. Et cette perfection porte la marque de Dieu."
Sargas : "Vous avez raison, maître, merci pour cette leçon."
Aristote : "Ne me remercie pas, remercie les astres ! Tiens, prend ces pièces et va nous cherchez un peu de vin chez Oinos"
Sargas : "J'y cours, maître"
Sargas revint avec du vin pour tous les disciples. Et ils restèrent encore un moment à contempler les étoiles.

A l'issue, Bardieu regagna sa place et commença à se servir, dans le silence le plus absolu.

Le jeune hommes se reposait dans sa cellule après une journée de durs labeurs dans les champs entourant l'abbaye lorsque qu'un bruit ne manqua de le sortir de sa torpeur. Un parchemin, glissé sous la porte de sa chambrette, attira son attention. Une rapide lecture de cette étrange invitation et voilà la curiosité du navarrois piquée au vif. Tout intrigué, il rejoignit donc le réfectoire, l'heure du souper approchant. Très vite, il reconnut la mère Eloin, auteur de l'intrigant billet, qui lui avait offert l'hospitalité au sein de l'abbaye quelques jours plus tôt. Il salua la cistercienne, prenant place en face d'elle.

Le bonsoir ma mère. Je..

La conversation n'avait pas encore débuté qu'elle s’arrêta net ; le jeune homme fut contraint de regagner le silence pour écouter avec attention la lecture des saintes écritures par le père abbé. Or la leçon d'Aristote sur la perfection du Très Haut et la magnificence de sa Création ne lui avait pas fait oublié ce que la sœur lui avait écrit. La lecture terminée, il reporta son attention sur la cistercienne. Mais face au regard de cette femme dont il ignorait tout, il hésitait à briser de nouveau le silence. Après tout, il n'était ici qu'un invité et pour ne point se faire remarquer, peut être valait il mieux attendre qu'on s'adresse à lui...

L'abbesse avait salué le jeune homme d'un signe de teste et d'un bref sourire, avant que le recteur ne fasse lecture d'un passage du Livre des Vertus. Le silence fut donc de mise durant cette lecture.

Lorsque le père abbé eut gagné sa place pour se restaurer, Eloin leva son regard sur le jeune homme. Sa voix n'était qu'un murmure posé, pour ne point troubler la quiétude des lieux et le repas de son supérieur.

J'espère que je ne vous ais point dérangé en vous faisant mander, mais il me fallait estre sure que ce n'est point une simple coïncidence...

Dans ma jeunesse, je fus la dame de compagnie d'Izarra de Ozta d'Harlegnan, issue d'une famille de Navarre. Sa fille puînée, Elianor de Vergy, a récemment accueilli au seing de sa mesnie sa cousine Ursula, fille de Floriano de Ozta, luy-mesme frère d'Izarra.

Ces noms vous disent-ils quelque chose ?

La cistercienne se tut alors, avide d'ouïr la réponse du jeune homme. Et, tandis que des souvenirs des heureuses années passées aux côtés de la duquessa luy revenaient en mémoyre, elle trempa dans son écuelle la cuillère de bois, avant de la porter à ses lèvres.

Le cistercien commença en silence son repas. Des petits bruits au fond de la salle troublaient son repos. Ils provenaient d'une discussion entre sa grande prieuse et un retraitant, que le cistercien ne connaissait pas. Certes, il aurait pu faire connaissance lui aussi, mais ce n'était pas le bon moment : on n’interromps pas le repas, pour quelque motif que ce soit.
Alors qu'il levait sa cuillère rempli de potage pour la mettre dans la bouche, Bardieu médita un instant sur le sens des paroles de Sargas, en particulier lorsque "Le mouvement circulaire est le mouvement parfait par excellence". Bardieu commençait à douter. C'était une affirmation pure et simple, sans justification. Pourquoi est ce qu'Aristote tolérait la pédanterie sans preuve ou sans raisonnement ? La peur vint succéder à la crainte, car ce n'était pas normal, ce n'était pas dans la logique de Bardieu, ni même dans celle d'Aristote. Une seule conclusion : le texte avait été tronqué, il avait été épuré, ou, tout simplement, mal traduit.

L'instant de panique fut bref car l'explication était parfaite : plaider l'erreur humaine dans le texte, quoi de plus tranquillisant par rapport à remettre en doute l'intégrité du monde ? Rassuré, Bardieu termina de mettre sa cuillère dans la bouche et en reprit une seconde de plus.

Le jeune frère entra au réfectoire avec Wilfred. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus partager un repas dans cette salle. Et depuis qu'il avait goûté aux bons petits plats de sa douce et bien-aimée, cela l'avait fort changer.

Il rejoint Monseigneur Bardieu et Mère Eloin pour les saluer timidement.

Pax Vobiscum Monseigneur, Ma mère ! dit-il en guise de salutation en inclinant la tête.

Je ne voudrais point déranger mais lorsque vous serez disponible, je souhaiterais vous donner de mes nouvelles, et vous parler du projet qui m'amène vers vous.

Bardieu vit un jeune frère entrer dans l'abbaye. Le frère Ambroise était revenu participer un peu à la vie monastique. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait point vu, mais ce n'était pas grave. Seul comptait l'instant spirituel présent.

Mon frère, vous ici, vous avez fait bon voyage ? C'est un plaisir que de vous voir. Sitôt le repas terminé, nous irons prier.

will entra a son tour et salua les personnes presentes

bonjour monseigneur,ma mere.
heureux de vous voir.

il s'assit en silence,on lui apporta son repas et commenca a manger

Retraitant Nombre de messages : 29 Date d'inscription : 14/08/2013

Sarah pénétra discrètement dans les lieux. Un écritoire de cire à la main, elle notait encore quelques points qu'elle voulait pouvoir consulter plus tard dans la soirée à la bibliothèque. Arrivée à la table, elle rougit en réalisant le nombre de personnes déjà présente. Elle posa son écritoire près d'une place, s'installa et se servit un peu de soupe avec des bouts de pain dans une écuelle avant de souffler sur sa cuiller pour ne pas se bruler. Elle ne connaissait que son professeur de séminaire et ne voulait pas déranger sa discussion.

Le jeune homme avait écouté avec attention les propos de l'abbesse. Ainsi elle aurait presque pu se présenter comme une amie de la famille ; si du moins on considère que quelques personnes étrangères les unes aux autres mais portant le même nom constituent une famille. Battista ne le pensait pas et depuis le décès de feu son père, il s'était fait à l'idée qu'il n'en avait plus. La cistercienne venait de lui rappeler que ce n'était peut être pas si vrai... D'un signe de tête, il acquiesça à l'interrogation de l'abbesse.

Si-fait, ma sœur. Je suis le fils de Feu Juan de Ozta. Mon père était le frère de Floriano et d'Izarra.

Ursula de Ozta... J'en avais presque oublié son existence ! Je n'ai jamais eu l’occasion de la rencontrer. Sa mère décédée, mon oncle Floriano a cru bon de lui trouver une place dans un couvent, pensant qu'elle y recevrait l'éducation que sa défunte mère ne pourrait lui donner. Je pensais qu'elle s'y trouvait encore. Elle serait en France ?

Quant à Izarra de Ozta, mon père n'évoquait jamais l'existence de sa sœur. Hormis le fait qu'elle s'était exilée en France et qu'elle avait coupé tous liens avec sa famille, je n'ai jamais rien su de ma tante. J'ignorais d'ailleurs qu'elle avait une fille. Je suppose que cela fait d'elle...ma cousine. Elianor de Vergy, dites-vous ?

L'écuelle qui se trouvait devant lui restait désespérément pleine, les révélations de la sœur lui avait coupé tout appétit mais avait éveillé en lui une certaine curiosité.

Un bref sourire accueillit le retour du frère jardinier, avant qu'elle ne réponde poliment à son salut.

Lo bon ser, frère Ambroise, heureuse suys-je de constater vostre retour en nos murs ! Ma foy, nous pouvons nous retrouver en ma cellule après ce repas ?

Vinrent ensuite le maistre des novices, et l'une de ses élèves, qu'elle salua d'un hochement de teste. Une ouïe attentive fut prestée à la réponse que luy fournit Battista quelques instants plus tard.

Oui, en France, aux côtés de sa cousine Elianor. Elles sont actuellement en Normandie, si mes souvenirs sont bons, et comptent y rester quelques temps, je crois bien. Il me semble que c'est messer Floriano qui envoya sa fille auprès de ma filleule, afin de luy enseigner les coutumes et la langue françoyse, et, par la suite certainement, luy trouver un bon parti.

La moniale marqua une courte pause, le temps pour elle de porter une nouvelle foys la cuillère de potage à ses lèvres, omettant sciemment d'évoquer la grossesse imprévue d'Ursula et les circonstances de l'évènement qui avait amené la jeune ibère à perdre sa vertu. Il le saurait bien assez tôt, s'il se rendait auprès d'Elianor, et ce n'était guère à elle d'évoquer ces affaires de famille... Izarra luy avait suffisamment appris, par le passé, à tenir sa langue lorsqu'il le fallait.

Je ne suys point étonnée outre-mesure d'apprendre que vostre père ne vous a jamais parlé d'Izarra. Je pourrais vous conter son histoire, mais point icelieu, ma dame eut une vie bien remplie, et la nuit nous prendrait avant que je n'ai terminé mon récit !

Il fallait surtout savoir que la duquessa n'avait point été aussi vertueuse que sa dame de compagnie, et que certains épisodes ne pouvaient guère se conter au milieu du réfectoire d'un monastère !

Pour estre tout à fait exacte, Izarra eut six enfants. Trois ne sont plus de ce monde, il reste Elianor, son aînée Aélis Amandine, ainsi que le dernier né, Faran, qui doit avoir un peu plus de quinze ans, actuellement.

L’Abbé l’accueille à son arrivée. Ambroise était bien mal à l’aise. Il était préoccupé par ce qu’il voulait demander. Il proposait après le repas d’aller prier, mais le jeune frère ne pouvait pas trop s’éterniser à l’abbaye, bien malgré lui. Il avait des responsabilités à présent qu’il devait honorer.

Oui Monseigneur, j’ai bien fait attention car la frontière entre la Bourgogne et le Berry est assez dangereuse en ce moment. Je suis passé par la forêt pour éviter les armées …

Prier ? répéta-t-il machinalement. Mais ce n’est pas à Dieu que je dois parler mais à vous …

Et lorsque Mère Eloin l’accueille à son tour, il fut soulager, car elle, elle l’invite à sa cellule pour lui parler. Ce qui le rassurait. C’est se besoin d’être écouté qui lui manquait terriblement. La Bourgogne était envahie par l’Église schismatique de France, et il était le seul rescapé encore présent de l’Église Romaine en Bourgogne, délaissé par son évêque, Monseigneur Aegon, qui semblait avoir disparu.

Hélas ma Mère, je ne puis rester bien longtemps à l’abbaye, mais je serai heureux de venir vous retrouver en votre cellule. J’ai beaucoup à dire et peu de temps …

Bardieu écouta le frère Ambroise entre deux cuillères de soupe. Finalement, une cuillère de plus et le petit arrière gout de bière amère passera sans problème. Extrêmement bizarre, cet arrière goût, d'où pouvait il venir ? Le cistercien se promit de faire un tour à la cuisine pour mieux comprendre. Ou pas. Comprendre qu'il s'agissait d'un vieux rat crevé au fond d'une bassine l'aurait probablement vexé.

Ah, la Bourgogne et le Berry... une affaire de quarante mille écus à ce que j'ai comprit ! En temps que noble berrichon, j'ai donné concilium au duc du Berry. La justice d'Aristote doit s'appliquer, mais dans le respect de la vie féodale. L'argent est retombé en Bourgogne, c'est une certitude. Personne ne le nie, d'ailleurs. Soit le duc de Bourgogne protège les quelques personnes qui ont reçu l'argent et les protègent, ce qui est coupable, soit il est incapable de faire respecter son autorité, auquel cas il n'est point digne d'être le guide des bourguignons. Cette réflexion de base s'applique n'importe où et est un règle intangible : le suzerain d'un endroit est responsable des activités qui s'y passe, soit par incompétence, soit par volonté.
Étonnant, n'est il pas, de ma part, de dire cela ? D'après vous, pourquoi est ce que je n’essaie pas de mettre en avant le fait que le duc, en temps qu'homme, n'est pas parfait ?

Ambroise s’installe à son tour, attrape un bol, prend la louche dans la soupière et se sert. Il goûte à la soupe bien chaude. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus dégusté la cuisine de l’abbaye. Petite grimace du jouvenceau. Cela manquait d’épices pour lui. Il écouta tout de même l’abbé lui répondre en évoquant le conflit de gros sous entre le Berry et la Bourgogne.

Oh vous savez Monseigneur, je ne prends pas parti dans cette histoire, même si je désapprouve les pratique du Duc Georgepoilu dans cette affaire, mais surtout qu’il héberge et protège des brigands sur ses terres.

Je dirais que si justice, il doit y avoir, ce serait celle de Saint-Michel, à faire éclater la vérité. En Bourgogne, sur les places publiques, on y parle plus que de ça. Et je vous avoue que c’est tellement parti en épingle cette histoire que je n’y prête plus attention. De toute façon, tel que c’est parti, nous ne serons jamais la vérité. Par contre, je me préoccupe plus de ma besace trouée par un vilain poussin berrichon … Une besace auquel je tiens offerte par le Père Uriel.

Quant à la responsabilité du Duc, c’est avant tout une affaire où il défend l’honneur familial, puisqu’il s’agit de son beau-fils. Il est également parti prit dans cette affaire et n’aura donc aucune objectivité. Donc, je ne m’attendais pas à ce qu’il prenne ses responsabilités, mais à protéger sa famille envers et contre tout, au dépend des lois hélas, et usant de son pouvoir pour cela. Tout comme le fait le Duc Georgepoilu en déclarant le Berry indépendant de la royauté et en abritant des marauds sur ses terres.

Enfin pour répondre à votre question, je dirais tout simplement parce que nous sommes tous pécheurs au regard du Très-Haut, mais que vous êtes lié par votre serment de vassalité qui vous interdit de porter ombrage à votre suzerain. C’est ce qui me pose soucis lorsque je lis l’hagiographie de l’apôtre Nikolos qui incite à ne pas prêter serment à un homme, et qui me met devant un dilemme, lorsqu’on m’a proposé de m’anoblir.

Bardieu écouta attentivement la réponse aux propos provocateurs du frère Bardieu. La provocation avait toujours été un point fort du cistercien. Peut être pour faire comme Aristote et aider chacun dans sa propre réflexion sur lui même.

Mon frère, vos propos sont fort justes, je n'en attendais pas moins de vous. L'honneur des hommes est toujours très fort et nous poussent vers des décisions irraisonnés. Regardons cela depuis Noirlac, forteresse inébranlable, observatoire de l’humanité et lieu de prière. Deux hommes, enracinés dans leur territoires, qui se font face, pour l'honneur de leur position respective. Chacun couvrant des maux. Le bourguignon protégeant son beau-fils de brigand, le poilu protégeant les brigands depuis longtemps, en échange de la sécurité sur ses propres terres.
Mais sachez que ce n'est pas un serment de vassalité qui me tiens, mais la foi des berrichons envers le message divin. En Bourgogne, hélas, il y a eu du laissez-aller sur le sujet.

Mais revenrons à votre besace. Mais avez vous en ce moment des problèmes financiers, mon frère ? Devez vous de l’argent ou êtes vous en quête d'un projet pour parler de la sorte ?

Ambroise écoutait attentivement la réponse de Monseigneur Bardieu tout en trempant son pain dans la soupe et la remonter à sa bouche. Cette affaire de gros sous, il n’en avait cure et il n’avait point le désir de prendre la défense du beau-fils de la Duchesse Consort. Par contre, l’Abbé n’avait pas tort, il y avait clairement du laisser-aller dans la foy des bourguignons, ou du moins pour certains. Il serait peut-être judicieux qu’il fasse part de la situation au Recteur de l’Ordre, et c’est ce qu’il fit après avoir avaler sa bouchée.

Hum … oui Monseigneur. La question de l’Eglise en Bourgogne est plutôt critique. Et croyez bien que je fais mon possible pour y remédier, mais voyez-vous, c’est l’Eglise schismatique de France qui occupe le diocèse d’Autun. Le faux évêque, le duc Théodomir a pris le contrôle de la cathédrale d’Autun. Et depuis le décès d’Eusaias, ceux qui ont pris part à cet Eglise, sont venu se réfugier en Bourgogne, sous la protection du Duc Crezus. Il soutient encore ce qui reste de ce mouvement schismatique.

Prenant une gorge de vin de table dans sa coupe, il cherchait ses mots pour entamer la suite.

Il faut dire que depuis plus d’un mois, je n’ai plus de nouvelles de mon supérieur, Monseigneur Aegon, l’évêque d’Autun. Tous les autres clercs ont disparu l’un après l’autre durant le conflit entre Rome et le défunt Roy. Je suis à présent le dernier représentant de l’Eglise aristotélicienne Romaine en Bourgogne, hormis Monseigneur Pie, l’Évêque de Langres qui se contente que d’envoyer des annonces plutôt indécente.

D’une voix triste et sincère, il aborde alors sa façon d’opérer pour changer les choses en Bourgogne.

Pour avoir observé certaines brebis égarées, j’ai pu constater en eux leur foy en Dieu. Ils ont toujours la foy et en cela je ne désespère pas les ramener sur le chemin de la Vertu. Seulement, ils n’ont plus confiance aux représentants de l’Eglise et en particulier les prélats de Rome. C’est sur cette confiance que je travaille. Car si un fidèle n’a pas confiance en celui qui lui prodigue le message divin, alors il ne l’écoutera pas. Pour moi, ces brebis égarées doivent être écoutées, guidées et soignées afin qu’elle revienne vers le troupeau.

Ambroise partageait ses convictions, celles qu’il ressentait dans sa foy d’aider son prochain et son rôle de frère guérisseur qu’il prenait à cœur. Le jeune diacre en revient alors à la besace et pensait-il que le jeune frère avait des problèmes financiers.

Oh non Monseigneur, les écus ne sont pas un souci, je pourrais m’en acheter une autre, mais cette besace a une valeur sentimentale pour moi. C’est le Père Uriel qui me l’a offert, un cadeau qui me tient à cœur de la part de l’homme que je considère comme mon mentor et un père pour moi. Mais il est vrai que je fais attention à mes dépenses car j’injecte la plupart de mes économies dans un rêve. J’ai le projet de bâtir un hospice. Et ce projet est en cours de concrétisation. Et c'est justement la raison pour laquelle je suis revenu à l'Abbaye pour chercher des réponses à des questions et demander de l'aide.

Il avait perdu de sa timidité par la force des événements depuis qu’il avait quitté l’Abbaye et à présent il arrivait à s’exprimer sans rougir, bien que parfois cela lui prenne encore pour des sujets intimes et délicats. Il laissa la parole à l’Abbé, bien qu’il ait encore tant à dire mais le respect l’invite à se taire.

Le frère Ambroise avait décidément la maîtrise du sujet concernant la foi en Bourgogne. Cela intriguait Bardieu, mais il n'avait pas envie d'en savoir plus. Là ou l'église ne peux mettre les pieds, l'hérésie règne. Finalement, en Guyenne, la situation n'était guère meilleure... sauf que Bardieu avait un petit havre de paix, le prieuré Sainte Illinda et, ça, personne ne pourra le prendre aux aristotéliciens. La sœur Ellya l'avait transformé en véritable forteresse imprenable. Heureusement, car les brigands de Sancte l'hérétique n'attende qu'une erreur pour s'emparer de l'édifice.

Disons que je trouve votre position bien délicate, mais, sachez, que c'est dans l'adversité que l'on rencontre la vraie nature de l'âme d'un homme. Votre bataille n'est pas vaine, elle aura pour conséquence d'épargner à quelques personnes les erreurs de la créature sans nom. Chaque personne de sauvé est une victoire en soit. D'après ce que j'ai comprit, le haut clergé a fuit la bataille. Cela arrive, c'est une stratégie assez bonne quand on ne se sent pas prêt au combat. Ne leur en voulez pas, je l'ai moi même appliqué. Chaque homme a son point faible, et, face à une trop grande adversité, la fuite est sagesse, surtout si elle permet de continuer le combat. Bardieu essaya de comprendre ensuite ce qu'était ce projet. Visiblement très important pour le frère Ambroise.

Ainsi donc, vous souhaitais ouvrir un hospice ? Ma foi, cela est courageux de votre part. Ouvrir un nouveau bâtiment alors que les églises brulent est Bardieu hésita : suicidaire ? extrêmement courageux de votre part.
Mais nous sommes, bien évidemment, entièrement ouvert à vous apporter aide et réponses sur ce projet. Quelles sont vos requêtes, questions, demandes, particulières ? Serait ce le site que Saint Bynarr a ouvert jadis qui vous intéresse ?

D'un signe de tête, il avait poliment salué les membres de la communauté qui avaient rejoint le réfectoire. Des visages qui lui étaient inconnus mais sur lesquels il aurait peut être l'occasion de poser un nom, plus tard. Car pour l'heure son esprit était totalement accaparé par les révélations que venaient de lui faire la mère cistercienne.

- Ainsi la France compte nombre de mes cousins de Ozta. Il me faudra aller à leur rencontre une fois ma formation en ces murs terminée. Pourriez vous faire savoir à Elianor que je souhaiterai faire sa connaissance ? Si du moins, elle y consent.

Pendant qu’il discutait avec l’Abbé Bardieu, un jeune homme discutait lui aussi avec Mère Eloin. Ambroise se concentra bien sur ce que disait le maitre des lieux. Ce dernier avait bien vite cerné la situation en Bourgogne.

Saint Thomas a dit « Trois choses sont nécessaires au salut de l'homme : savoir ce qu'il faut croire, savoir ce qu'il faut désirer, et savoir ce qu'il faut faire. » Et cela tant que les hommes ne l’auraient pas compris, nous ne pourrons pas changer la nature de l’âme humaine poussée par la tentation du Sans-Nom. Et, nous, les représentants de l’Eglise, sommes là pour les guider à trouver la réponse.

Je ne considère pas cela comme une bataille mais comme un défi, car c’est vraiment difficile de se faire écouter en Bourgogne. Autant, ils reconnaissent les péchés des autres mais les leur non hélas. Tant que l’humain n’arrivera pas à se remettre en question, il sera trop tenté par l’orgueil. Et ces hélas, ce péché qui a créé tant de dissension entre Rome et le défunt Roy.

Si vous parlez de la croisade, prendre la fuite était le choix le plus judicieux à faire, car l’Eglise n’a ni le nombre, ni le prestige nécessaire pour vaincre par le fer. Je pense que cela a été une grosse erreur de l’Eglise de sous-estimé l’ampleur du conflit. D’abord, l’Eglise s’est désavouée elle-même du message de paix et d’amour qu’elle doit transmettre, ensuite elle n’a pas cherché l’unification par le dialogue et la diplomatie. Les entrevues n’ont pu aboutir parce que chacun n’a pas été capable de faire des concessions.

A présent, beaucoup de fidèles ont perdu foy en les représentants de Dieu, et tant que cette confiance n’est pas rétablie, nos églises seront vides. Et en Bourgogne, c’est encore plus compliqué. Certains ne se rendent même pas compte que lorsqu’ils vont à une messe de l’Eglise schismatique, ils écoutent un message qui n’est pas celui de l’Eglise de Christos. Pour le simple quidam, il n’y a qu’une Eglise et ne se rendent pas compte de la supercherie. Et c’est cela le pire actuellement je crois. Je tente de réunir ces personnes pour les aiguiller vers le bon chemin, la bonne église. Et c’est pour cela que je suis venu en partie vous voir pour vous demander d’accueillir ces futurs fidèles. Il me faut un endroit où je puisse donner les sacrements.

Ambroise prit sa coupe de vin de table pour en boire une gorgée. Cette conversation lui donnait soif. Il avait besoin de rassembler ses idées pour en dire l’essentiel au sujet de l’hospice. Il pouvait vite s’évader lorsqu’il parlait de son rêve.

Oui Monseigneur et je vous remercie pour vos encouragements. Saint Bynarr avait un site ? Je ne le savais pas … Enfin, c’est un projet que je nourris depuis longtemps. Je me suis beaucoup intéressé par la vie de l’Abbesse Hildegarde de Bingen et je souhaitais pouvoir suivre ses traces apportant les soins aussi bien du corps que de l’esprit.

En fait, j’ai trouvé un autre site pour y construire l’hospice. Dans sa généreuse bonté, Della d’Amahir d’Euphor, la Duchesse de Chartres m’a proposé l’une de ses terres pour le construire. Il se trouvera à Cheny sise Seignelay. Elle m’a nommé intendant de Cheny, et m’a laissé tous les revenus pour y mettre mon projet à terme. Elle souhaite même m’anoblir … On pouvait y sentir de la peur quand il parlait de cela. L’apothicairerie va ouvrir ses portes bientôt, et j’ai choisi le 17 septembre, le jour de la fête de Ste Hildegarde, pour l’honorer.

Je me suis renseigné auprès de Monseigneur Aegon pour consacrer la chapelle lorsqu’elle sera construite. Il a même émis l’idée de rattaché la chapelle à Autun plutôt qu’à Nevers afin que je puisse rester diacre d’Autun. Il était plutôt triste si devait démissionner. Serait-ce possible de m'aider dans ces démarches maintenant que Monseigneur Aegon est porté disparu ?

Ma requête est simple. Je voulais savoir comment l’Ordre Cistercien pouvait soutenir l’hospice, tout en gardant son autonomie, bien sûr. C’est un projet qui me tient vraiment à cœur et je tiens à ce qu’il reste mien. Monseigneur Yut m’avait proposé de mettre l’hospice sous tutelle de l’Archevêché de Lyon, mais j’ai refusé car il voulait en prendre le contrôle. Je suis cistercien, et c’est pour cela que je souhaite que mon hospice ait une connotation cistercienne, bien que j’ai demandé aux bâtisseurs d’adopter son architecture.

J’aimerais pouvoir y enseigner des cours de médecine et les pastorales, pouvoir y donner les sacrements comment l’abbaye le fait. Est-ce possible ?

Il s’en arrêta là. ll en avait dit assez. Et si l’Abbé avait d’autres questions, il les poserait, et ce serait volontiers qu’Ambroise y répondrait.

HRP:
Le fief de Cheny se trouve ici : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
L'Hospice de Cheny se trouve ici : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Un bref sourire de l'abbesse précéda sa réponse au jeune basque.

Je puys vous assurer que ma filleule sera heureuse de se découvrir un nouveau cousin au costé maternel. La famille est très importante pour elle, Ursula avait été accueillie à bras ouverts, lorsque nous étions allés la chercher chez le sénher Floriano !

Son écuelle vidée, Eloin se tailla une raisonnable tranche de pain, et fit de mesme pour le fromage issu de la production de l'abbaye, avant d'en proposer à Battista. Et, tandis qu'elle étalait le fromage sur le pain, elle reprit la parole.

Je puys vous mener à Elianor, si vous le souhaitez. Pour ce qui est du lieu, je crois que nous avons le choix entre son hostel parisien ou sa résidence actuelle, qui sera la Normandie si elle n'est point repartie entre-temps...

Sur ce point-là, la duquesseta ressemblait bien à sa feue mère, ne restant que peu de temps en un endroit si le lieu ne luy plaisait point, et si elle n'y avait point d'obligations particulières.