*P***** de sa race d'Aristote à Christos, abbaye de m****, foutu pays, foutu Berry!*
Ainsi grommellait Gigfy en arrivant aux portes de l'Abbaye de Saint Arnvald. En réalité il y avait de quoi: on lui proposait un job de chapelain grassement entretenu en Alençon, sous réserve bien entendu de se faire ordonner, il entamait le voyage plein d'allant, quittant enfin le trou berrichon où il s'était tapi durant de longs mois de déprime, et arrivé dans les environs de Saumur il apprenait d'un coup que le lieu le plus propice à sa formation au sacerdoce serait justement en Berry... plutôt ballot. Demi tour donc du Gigfy en colère.
Certes il avait eu le temps de se calmer. Mais voilà-t-y pas que juste à son arrivée en Berry, limite à la frontière exacte avec la Touraine, comme pour bien montrer qu'on entrait sur une terre ingrate et retirée, une fine bruine s'était mise à tomber. Le machin météorologique le plus sadique inventé par le Très-Haut: pas la grosse drache, celle que vous racontez à vos enfants le soir à la veillée, une pointe d'orgueil dans la voix, pour les rassurer quand l'orage tombe dehors, non, juste une petite pluie grotesque, une pluie qui ne ferait pas peur à la plus chétive des souris hydrophobe, mais pénétrante comme pas deux, insinuante, persistante.
D'où la teneur des primes pensées du futur postulant au sacerdoce, trempé jusqu'à l'os, chargé de son barda, en arrivant à la porterie. Il déposa le plus lourd de ses sacs (celui qui contenait les tartines pour la route), tenta maldroitement d'essuyer sa main sur son habit, eut l'impression d'avoir miraculeusement créé de la matière à partir de rien en constatant qu'il se sentait encore plus mouillé, sur la main comme sur le torse, rendit de mauvaise grâce Grâce à Dieu pour ce physique miracle et avisa une cloche qu'il se mit frénétiquement à sonner tout en appliquant la méthode postitiviste et résolumment optimiste qui le caractérisait au fond:
*au moins pour ce qui est du retrait et du renoncement du monde, je vais être servi... si je survis à Ca j'aurai mérité mon Paradis...*