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 [Livre]La Grossesse et l'enfance

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Eloin
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MessageSujet: [Livre]La Grossesse et l'enfance   [Livre]La Grossesse et l'enfance EmptySam 4 Juil - 14:28

I Perception du Foetus

A L'avis du médecin

Pour les médecins, le fœtus est un enfant à part entière. Il mérite ce nom dès lors qu'il prend forme humaine, comme l'affirme Constantin l'Africain au XIe siècle, et qu'il a reçu le don de l'âme, par infusion. Pour Barthélemy l'Anglais, encyclopédiste du XIIIe siècle, l'animation du corps se produit au 46e jour de grossesse, sans considération de sexe, alors que pour Aristote, suivi en cela par l'Église médiévale, elle s'effectue quarante jours après la conception pour les garçons et quatre-vingt-dix jours après pour les filles. Ensuite, le fœtus n'est pas indifférencié : les médecins médiévaux, s'inspirant des traités hippocratiques, ont appris à s'intéresser successivement au "fœtus de sept mois" ou au "fœtus de huit mois".

B L'avis du juriste

Pour les juristes, le fœtus n'a droit au nom d'"enfant" qu'après la naissance. Avant, il est appelé "fruit" ou "ventre enceint" de la mère. Mais c'est une "personne" à laquelle on reconnaît certaines capacités ; les clercs d'Église ou de justice en veulent pour preuve un passage de l'Évangile de Luc où il est dit que Jean-Baptiste tressaille dans le ventre d'Élisabeth au moment où celle-ci croise Marie enceinte de Jésus. Le fœtus a une conscience éveillée, il a donc des droits. En particulier, et contrairement à aujourd'hui, il est considéré comme un héritier à part entière : un père peut doter sa fille à naître ou réserver une part d'héritage pour son fils en gestation, en vertu de l'adage juridique selon lequel "celui qui est encore à naître ne doit pas être lésé". Le fœtus reçoit son statut d'homme libre ou de serf in utero. Par conséquent, il peut être frappé de taxes sur sa personne : aux péages, où les juifs sont soumis à une taxe corporelle sur leurs déplacements, un fœtus peut être imposé à un peu plus de la moitié du coût d'un adulte mâle, comme on le voit au péage de Châlons, à la fin du XIVe siècle.

II Les ages de la vie médiévale

A Le premier cri

Toujours pour les juristes, le nouveau-né n'acquiert pas son statut d'enfant au moment précis où il naît, mais quelques secondes plus tard, quand il pousse son premier cri. Ce cri est considéré comme un acte juridique : le bébé réserve ainsi son héritage paternel, s'il est orphelin de père, et, s'il meurt avant sa mère, celle-ci pourra en hériter ; à son tour, il transmet l'héritage à sa mère en mourant. Grâce au premier cri de l'enfant, le père pourra conserver la dot de son épouse morte en couches au lieu de la restituer aux parents de cette dernière, comme le veut la coutume. Faire crier l'enfant à la naissance est donc une absolue nécessité pour bien des familles.

B L'age de la parole

L'âge de 3 ans est considéré comme le début de la lente transformation de l'enfant en adulte ; c'est l'âge de la parole, de la maîtrise de la marche et de la course, de l'habileté manuelle. Les cas exemplaires ne manquent pas : c'est à 3 ans, est-il dit, que la Vierge Marie entra au Temple pour y recevoir sa première instruction, et c'est dès cet âge que l'Enfant Jésus manifesta l'"esprit de science". Un texte moralisateur et didactique (destiné à connaître un vif succès jusqu'au XIXe siècle) s'intitule : De l'enfant sage qui n'avoit que trois ans. De même, les héros de romans médiévaux sont savants dès 3 ans ; c'est le cas du petit Lancelot, doté d'un précepteur à cet âge. Les aristocrates, qui apprécient les enfants précoces, se conforment à ce modèle. 3 ans est justement l'âge auquel on fait fabriquer un livre d'heures pour un petit dauphin de la fin du XVe siècle, Charles Orland. Les conceptions religieuses et romanesques concordent et influencent directement la vie des enfants.

C L'age du jeu

L'âge de 5 ans, qui revient constamment sous la plume des gens de lettres et des hommes d'Église, est considéré comme un âge de pré-raison. Tel demande à ses parents à recevoir l'habit des franciscains, telle autre a des visions mystiques ou se soucie déjà de faire la charité aux pauvres. Un enfant de 5 ans peut être touché par la grâce divine ou, tel Saint Louis, accomplir un miracle. Les parents estiment que c'est le moment de commencer l'éducation de leurs enfants, même s'ils ne vont pas encore à l'école et n'ont pas atteint l'âge de raison.
L'âge de 5 ans est surtout considéré comme l'âge du jeu. Pour Barthélemy l'Anglais, au XIIIe siècle, les enfants de moins de 7 ans ne pensent qu'à "jeux et ébattements" ; c'est pourquoi, même s'ils sont laissés libres de s'ébattre dans la rue, où ils ne manquent pas de commettre des bêtises, voire des vols, les parents devraient encore les surveiller. Le pédagogue Philippe de Novare mentionne un adage, semble-t-il répandu en son temps : "Toujours dit-on que l'on doit protéger son enfant contre le feu et l'eau jusqu'à ce qu'il ait passé sept ans."

D L'age de raison

Partout en Occident, 7 ans marque une césure : c'est l'"âge de raison". Les enfants sont alors considérés comme des paroissiens à part (presque) entière : tous, riches ou pauvres, nobles ou paysans, ont l'obligation d'assister à la messe du dimanche et, depuis le milieu du XIIIe siècle, d'apprendre les prières majeures (le Notre-Père et le "Je vous salue Marie", en latin). L'enfant de cet âge est jugé capable d'assumer des responsabilités matérielles, il commence à comprendre la différence entre le bien et le mal, et il est susceptible d'être puni. Un texte didactique, intitulé La Discipline des jeunes gens aprez l'age de VII ans, est souvent recopié dans les manuscrits médiévaux.

La scolarisation

Dès l'approche de l'âge de raison, l'enfant doit être scolarisé (à 6 ans selon Avicenne) et socialisé. 6 ans est aussi l'âge de l'apprentissage du jeu d'échecs, selon Gui de Nanteuil. À partir de 7 ans, tout enfant est par conséquent jugé bon pour l'école, pour l'enseignement en latin du chant d'Église et pour l'initiation aux bonnes manières. Dans l'idéal, les pédagogues souhaitent que la transition soit douce et que les parents se montrent tolérants, car l'enfant ne devient évidemment pas raisonnable le jour même de son anniversaire. Barthélemy l'Anglais dit qu'il est inutile de frapper un enfant en dessous de l'âge de 7 ans car il ne peut comprendre pourquoi il est puni et en tirer profit. Aldebrandin de Sienne conseille aux parents d'engager un pédagogue qui ne fonde pas sa méthode éducative sur les coups…

Les premiers travaux

Il n'est pas conseillé de mettre les enfants de cet âge au travail, sauf exception. C'est le cas dans le domaine de la chasse. Gaston Phébus, prince du Béarn et auteur d'un traité cynégétique, estime que, pour obtenir des veneurs compétents, il faut les former progressivement à cette tâche dès l'âge de 7 ans. Mais il laisse entendre que 12 ans serait plus convenable pour la formation professionnelle et s'étonne de la précocité de l'"enfant d'aujourd'hui [qui] en sait plus de ce qui lui plaît" qu'un enfant de 12 ans autrefois.
En sélectionnant de si jeunes enfants, Gaston Phébus innove : au siècle précédent, Frédéric II de Hohenstaufen, dans l'Art de la chasse à l'aide d'oiseaux qu'il fit composer pour son fils Manfred, n'était guère partisan de donner aux jeunes la possibilité de s'exercer au dressage des faucons : "Qu'il ne soit pas d'un âge trop tendre pour ne rien entreprendre contre les règles de l'art par puérilité. Car les jeunes ont coutume d'être insatiables et de se délecter à la vue de vols nombreux […]. Pourtant, il ne faut pas complètement les écarter s'ils sont particulièrement avisés." À la même date, le pédagogue royal Gilles de Rome affirmait fortement que, de "l'âge de 7 ans jusqu'à 13 ans, les enfants ne doivent pas entreprendre de grands travaux, ni faire les œuvres de chevalerie, pour que leur croissance ne soit pas empêchée".
Mais il en allait sûrement autrement dans les milieux sociaux les moins protégés. Ainsi, les rares autobiographies médiévales d'enfants de milieux modestes montrent que ces derniers sont mis au travail bien plus jeunes. C'est par exemple le cas de Jean de Brie, devenu berger du roi de France, et auteur d'un traité d'élevage où il explique qu'il a commencé à garder les troupeaux "alors qu'il n'avait que 8 ans, à l'âge où les enfants ont des poux dans la tête" ; il semble sous-entendre qu'il en a été chargé à un âge particulièrement tendre, plus, peut-être, que la plupart de ses contemporains. Mais il ne s'agissait que d'oies et d'oisons. Un an et demi plus tard, on lui confie la garde d'un troupeau de pourceaux, rôle bien plus dangereux : "Le soir, au retour des champs et pâtures, ils s'en revenaient si vite et si vigoureusement que ledit Jean, qui était alors bien jeune, ne pouvait les retenir ni les rattraper."
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Eloin
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MessageSujet: Re: [Livre]La Grossesse et l'enfance   [Livre]La Grossesse et l'enfance EmptySam 4 Juil - 14:28

E L'age des responsabilités

L'autonomie

10-11 ans est une phase charnière, juste avant l'âge adulte. Jusque-là, les parents avaient l'obligation de les surveiller de près : "Vous savez que, depuis leur naissance jusqu'à ce qu'ils aient 10 ans passés, les enfants sont en trop grand péril de mort et de maladie", rappelle le juriste Philippe de Beaumanoir au XIIIe siècle. Désormais, ils sont censés pouvoir se prendre en charge. Ainsi, le petit Jean de Brie se voit confier de nouvelles responsabilités : il mène l'attelage de chevaux à la charrue, puis garde un troupeau de dix vaches à lait avant de s'occuper de vingt-quatre agneaux "doux et innocents". Vers 11 ans, "vu que ledit Jean croissait en âge et en science pour la garde des animaux", on lui laisse la garde d'un troupeau de vingt-six moutons. Il assurera ce rôle jusqu'à 14 ans, âge auquel on lui confiera cette fois deux cents brebis…
Pour les juristes scandinaves du Moyen Âge, l'enfance s'arrête à 10 ans accomplis : "On appelle enfant un enfant jusqu'à 10 ans." C'est l'âge à partir duquel apparaît la responsabilité morale. Selon Jean Gerson, chancelier de l'université de Paris en 1395, "les enfants en qui Dieu a mis loquance et raison […] au moins depuis qu'ils ont passé 10 ans, ils ont franc arbitre de bien faire ou mal". Néanmoins, il ne faut pas les soumettre aux tentations : Jean Gerson explique aux parents qu'il faut dès cet âge séparer les filles des garçons et veiller à ce qu'ils ne dorment plus dans le même lit…

La majorité

12 ans constitue un moment clé dans la vie des jeunes. En Europe occidentale, c'est l'âge de la majorité pour les filles et celui d'une pré-majorité pour les garçons. Dans le monde scandinave, la période comprise entre 12 et 15 ans est une phase de semi-responsabilité juridique. Partout, la parole des préadolescents est prise au sérieux. Ainsi, 12 ans est l'âge minimum pour prêter serment et le témoignage d'un jeune de cet âge est jugé recevable dans une affaire criminelle. Les juges estiment en effet que sa mémoire est digne de confiance depuis deux ans déjà : les enfants ne peuvent témoigner dans un procès s'ils ont moins de 12 ans, mais on enregistre tout de même leur témoignage, qui devient recevable deux ans plus tard, à leur majorité, "car on se souvient bien de ce que l'on voit dans l'enfance à l'âge de 10 ou 12 ans", dit-on.
De même, les jeunes de 12 ans peuvent prendre des décisions qui engagent leur vie : à partir du XIIe siècle, c'est l'âge à partir duquel un oblat, remis au monastère dans son enfance, a le droit de décider de renoncer à la vie conventuelle. En milieu laïque, un jeune garçon de 12 ans peut décider de conclure une transaction commerciale ; cependant, du fait de sa jeunesse, il a encore le droit à l'erreur : pour réserver ses droits, on lui concède la faveur de pouvoir y renoncer une fois parvenu à l'âge adulte, c'est-à-dire à 14 ans.
En échange, les jeunes ont des devoirs : il leur faut désormais abandonner leurs activités ludiques et commencer à travailler. Une lettre de la famille Paston, datée de 1465, montre que les Anglais du XVe siècle estiment que 12 ans est l'âge auquel on doit commencer d'aider son père dans ses travaux : "Tout pauvre homme qui a élevé ses enfants jusqu'à l'âge de 12 ans trouve normal qu'à cet âge-là ceux-ci l'aident et lui soient de quelque utilité." Dans la vie paroissiale, c'est à cet âge qu'il devient inadmissible, sous peine de punition, d'ignorer le catéchisme.

F L'age de la puberté

Dès l'âge de 12 ans se pose la question délicate de la sexualité. Contrairement à l'enfance, à laquelle les lettrés attribuent la vertu de pureté, l'adolescence est très mal vue car considérée comme l'âge de l'impureté. Les médecins, tel Albert le Grand au XIIIe siècle, décrivent à loisir les modifications de l'organisme comme la mue chez les garçons, mais aussi le développement des organes sexuels et l'apparition du désir. Garçons et filles sont perpétuellement soupçonnés d'être sur le point de succomber à la tentation du péché de chair ; on redoute que les filles ne tombent dans la prostitution et que les garçons, frustrés par la perspective d'un mariage tardif, ne se laissent aller à pratiquer le viol des honnêtes femmes, l'inceste avec leur mère ou la sodomie avec leur pédagogue. Les inquiétudes des parents et des éducateurs ne sont, dans quelques cas, pas totalement infondées. À Avignon, par exemple, à la fin du Moyen Âge, les prostituées appelées "fillettes" de joie (ou ailleurs "fillettes publiques", "mignottes fillettes" et "fillettes amoureuses") entraient effectivement dans la carrière avant l'âge de 15 ans.
Comme les jeunes filles, et contrairement aux femmes mariées, les prostituées laissent flotter librement leurs cheveux, indiquant par là leur disponibilité. Elles sont le plus souvent placées sous la surveillance des municipalités, exerçant dans des "bordelages" ou "clapiers". L'organisation municipale de la prostitution a pour mission d'éviter que les prostituées ambulantes ne constituent autant d'exemples déplorables pour les adolescentes. Ces "fillettes publiques" méritent bien leur nom : elles se mettent en effet, selon les textes médiévaux eux-mêmes, "au service de la chose publique [pro servicio reipublicae]" : d'abord en détournant les jeunes des cibles à protéger du viol (les filles et femmes de bourgeois) et, accessoirement, en contribuant aux charges citoyennes (elles ont l'obligation de participer, par exemple, à la lutte contre les incendies).
La majorité des adolescents mènent une existence plus tranquille. Pour la plupart, les jeunes se contentent, comme aujourd'hui, de succomber à la fameuse "crise de l'adolescence" ; les filles se révoltent contre leur mère, qui cherche à leur interdire toute sexualité, les garçons se rebellent contre l'autorité du père, à qui ils restent soumis, matériellement, jusqu'à ce que ce dernier meure en leur laissant sa terre. La pratique de la mise en apprentissage dans des familles d'accueil évite nombre de ruptures familiales : les adolescents, sortis de leur famille, discutent alors plus volontiers avec leur maître, qui parvient mieux à canaliser leur agressivité, même si ce dernier s'est engagé par contrat à s'occuper d'eux "comme s'il était leur père".

G L'age adulte

La phase que nous appelons aujourd'hui "adolescence" correspond à ce qui était, au Moyen Âge, l'entrée pleine et entière dans la vie adulte. Sur le plan civique, en France, en Flandre comme en Italie, des garçons de 14 à 15 ans sont couramment engagés dans les milices urbaines, où ils prennent les armes. 14 ans est l'âge minimum de l'entrée à l'université, alors réservée aux hommes. Dans le monde du travail, d'autres jeunes commencent l'apprentissage dès cet âge. Dans les trois derniers siècles du Moyen Âge, l'âge des apprentis fluctue en effet entre 14 et 25 ans. Enfin, 14 ans est considéré par un pédagogue d'Église tel que Jean Gerson comme "l'âge de pucelage", autrement dit l'âge auquel le garçon peut perdre sa virginité…
14 ans est l'âge auquel les filles peuvent avantageusement être mariées. Philippe de Novare l'affirme : "L'on ne devrait jamais marier un enfant mâle avant qu'il n'ait 20 ans accomplis, mais doit-on volontiers marier les filles dès qu'elles ont dépassé 14 ans…" Trop attendre serait dangereux, pense-t-on. Cependant, la réalité dément ces âges idéaux, surtout valables dans la haute aristocratie : pendant les trois derniers siècles médiévaux, l'âge au mariage oscille plutôt entre 27 et 30 ans pour les garçons, 17 et 19 ans pour les filles.
15 ans est l'âge auquel est fixée la fin de l'enfance. Comme l'écrit le juriste Philippe de Beaumanoir dans Les Coutumes de Beauvaisis : "Tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge de 15 ans, ce sont des enfants." À partir de cet âge, le jeune a le droit de plaider en justice, de conclure une vente, d'être possesseur d'un fief, de devenir chanoine, voire cardinal, de rédiger un testament, de procéder à son élection de sépulture… Il n'est cependant pas pleinement adulte pour autant : les apprentis entre 14 et 25 ans sont par exemple considérés comme "mineurs pubères" le temps de leur subordination à un maître. Dans sa correspondance, un homme de l'aube des Temps modernes, Christophe Colomb, explique à plusieurs reprises que "20 ans, c'est âge d'homme".
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Eloin
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MessageSujet: Re: [Livre]La Grossesse et l'enfance   [Livre]La Grossesse et l'enfance EmptySam 4 Juil - 14:29

III Education

A Premiers rudiments

C'est dans le cadre familial et sous la houlette des femmes que l'enfant reçoit les premiers rudiments de son éducation : l'apprentissage de la parole, de la marche, des bonnes manières, de l'alphabet et de la foi. On connaît dans le détail toutes les techniques de ces apprentissages grâce aux traités d'éducation et aux chroniques privées. Les recommandations sont innombrables : savoir interpréter les pleurs du bébé, l'allaiter à la demande, ne pas tenter d'apprendre à marcher à un enfant avant l'âge de un an, le faire s'exercer sur des surfaces douces, mâcher sa nourriture avant de la lui donner, ne pas oublier d'ôter les arêtes de poisson dans ses plats, etc. À la nourrice, il est conseillé d'utiliser un langage aux syllabes redoublées (papa, mama, dodo, bobo, etc.) pour mieux apprendre à parler au bébé. La mère doit fabriquer des gâteaux en forme de lettres pour enseigner le nom de chacune aux enfants.

B Les bonnes manières

La socialisation passe ensuite par l'apprentissage d'une longue série de règles de vie, parfois inculquées par la manière forte. Ce sont les "bonnes manières", dont il existe de nombreux traités, inspirés des règles de vie monastiques. Ces manuels, d'abord réservés aux habitants des châteaux, se diffusent dès le XIIIe siècle en milieu bourgeois, en ville ; en témoignent encore les mots urbain et urbanité, pointant la nature devenue spécifiquement citadine des bons usages. Ceux-ci sont alors opposés aux manières paysannes : les parents recommandent à leurs enfants de ne pas "faire le vilain", c'est-à-dire se comporter en paysan, et de ne pas se tenir, à table ou dans la rue, comme des "rustauds", autrement dit comme les rustiques, les habitants des campagnes.
Nombreux sont les traités de "contenances" de table, surtout dans les villes où même des artisans en disposent. Se tenir droit, ne pas cracher par terre, s'essuyer la bouche avant de boire, ne pas se ruer sur la nourriture ni lorgner sur l'assiette d'autrui, ne pas mettre les coudes sur la table, toutes les obligations dont s'inspirera encore la bourgeoisie du XIXe siècle sont déjà énoncées au siècle de Saint Louis. Si les enfants ordinaires apprennent ces règles à la maison, ceux des monastères et des châteaux les reçoivent dans un cadre plus institutionnel : savoir comment se comporter en toutes circonstances fait aussi partie de leur formation professionnelle.

C Le catéchisme

La religion n'est pas absente de cette éducation, puisque le bénédicité du repas ou les formules de politesse des salutations ne sont rien d'autre que des bénédictions. S'y ajoutent les premiers rudiments d'enseignement religieux. Le minimum exigé par l'Église est l'apprentissage des trois prières majeures : le Notre-Père, le Credo et, à partir du XIIIe siècle, l'Ave Maria. La mère enseigne les articles de la foi, la liste des péchés capitaux et des vertus chrétiennes, et se rend avec ses enfants aux sermons dominicaux et aux grandes prédications. Les filles devront se contenter de cet enseignement, moins limité qu'il n'y paraît. Certains garçons iront parfaire leur instruction religieuse au presbytère, auprès du prêtre, souvent avec l'intention de devenir curé. Cette profession est très recherchée dans les milieux modestes au XIVe et surtout au XVe siècle, car elle offre des perspectives d'évolution dans l'échelle sociale.

D Les titres et appelations selon le niveau social

Pour s'adresser à quelqu'un sans faire d'impair.

Le roi, l'Empereur : Votre Majesté
La reine, l'Impératrice : Votre Altesse
Les Ducs : Votre Grâce
Les Marquis : Votre Magnificence
Les Comtes : Votre Grandeur
Les Vicomtes : Monseigneur
Les Vidames : Votre Eminence
Les Barons : Seigneur
Les Bannerets : Seigneur [Chevalier possédant assez de biens pour lever une bannière, c'est à dire regrouper plusieurs chevaliers]
Les Chevaliers : Messire
Les Commerçants : Maître
Roturiers : Sieur

source : http://classes.bnf.fr/ema/ages/index3.htm et autres sites plus ou moins spécialisés...
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MessageSujet: Re: [Livre]La Grossesse et l'enfance   [Livre]La Grossesse et l'enfance EmptySam 4 Juil - 14:30

IV La naissance en elle-mesme

Notions générales

La grossesse est, selon les médecins et astrologues médiévaux, placée sous le signe des planètes. Ainsi :

Mois 1 : Saturne La matière prend forme
Mois 2 : Jupiter La matière est préparée à recevoir les membres
Mois 3 : Mars Augmentation de la chaleur corporelle
Mois 4 : Soleil L’embryon remue, sa force augmente
Mois 5 : Vénus La perfection (finition) des membres est assurée
Mois 6 : Mercure Fortification du fœtus
Mois 7 : Lune Achèvement du fœtus
Mois 8 : Saturne Période de repos
Mois 9 : Jupiter Complète son influence bénéfique

Celui qui naît avant le septième mois ne peut vivre, d’après ces mêmes hommes, les sept planètes n’ayant pas encore exercé leur action, le fœtus ne pourrait donc pas devenir un homme à part entière. La naissance la plus favorable est au neuvième mois, car au «neuvième mois Jupiter commence à régner et pour ce qu’il puisse bien vivre et aussi pour qu’il soit fortifié et agrandi et plus vertueux».

Le huitième mois est par contre redouté pour la naissance car les enfants nés à cette étape de la gestation ne peuvent vivre, étant sous l’influence de Saturne, planète peu remuante et froide…

L’aspect physique de la femme est l’un des critères retenus pour distinguer le sexe de l’enfant à naître. «Et Ypocras dit que la femme qui porte l’enfant mâle est bien colorée et joyeuse. Et si elle est pâle et pesante cela signifie qu’elle porte une fille».

Etre enceinte d’un garçon favorise donc le physique et la santé de la mère, tandis que l’attente d’une fille est presque considérée comme une maladie. Ceci à cause des canons religieux qui portent beaucoup plus d’attention à un fils qu’à une fille, nécessairement inférieure et bien moins importante.


L’accouchement

L’auteur des «Secrets d’Albert» déclare que «les femmes qui veulent se mêler d’accoucher la femme doivent être fort habiles.» Barthélémy l’Anglais dit de la ventrière que c’est «la femme qui a l’art d’aider la femme quand elle enfante pour ce qu’elle ait enfant plus légèrement et que l’enfant ne soit en péril.»

Le rôle de la sage femme consiste surtout en une présence : elle intervient peu et laisse faire la nature. Leur enseignement était généralement oral et se transmettait de génération en génération. Une sage femme âgée en formait une plus jeune.

La délivrance était véritablement une affaire de femme, et les chirurgiens et autres médicastres n’étaient appelés qu’en dernier recours. Souvent ils devaient constater le décès de la mère, de l’enfant, ou même des deux…

Quand l’heure de l’accouchement arrive, la femme doit faire quérir des accoucheuses et se retirer de la vie normale. Dans certains milieux, elle change même de résidence. Le mari reste en dehors de la pièce ou accouche sa femme, et ce qu’il pleuve ou grêle. Sauf dans certains cas, où l’homme est la seule aide possible pour aider la femme à la délivrance.

Les ouvrages médiévaux proposent déjà plusieurs méthodes pour faciliter un accouchement :

*Prendre un bain tiède, à base d’une décoction de mauves, fenugrec, semence de lin et orge, et surtout à coriandre, conseillée fréquemment par beaucoup de sages-femmes. Ces sont des herbes d’un effet émollient et adoucissant.
*Poser entre les jambes de la future mère une fumigation[1] mise dans un pot de terre, pour détendre les organes (un pot nouveau, rempli de charbon de bois et de terreau ou d’herbes aromatiques [laurier notamment] fumant, entre les jambes de la femme en couches. Les herbes sentant bon devaient attirer dehors l’enfant).
*Poser des emplâtres à base de jus de purpuera et d’herbe de mesle sur le ventre de la femme.
*Boire du lait d’ânesse.
*Marcher au travers de la maison.
*Monter et descendre les marches plusieurs fois.
*Se coucher sur le ventre les jambes ployées et appliquées sur le nombril.
*Faire respirer de l’encens à la future mère, afin de provoquer les contractions par des éternuements.


La femme était à demi-assise, une sage femme lui soutenait le dos. Pour la majorité des médecins et chirurgiens du Moyen Age, la sage femme doit toujours essayer de remettre l’enfant dans la bonne position, au cas où ce dernier ne se présenterait pas la tête la première.

Les accouchements gémellaires sont difficiles, car la sage femme doit repousser les enfants et se servir d’huile de mualage de fenugrec, de semence de lin, de mauves et sortir les enfants l’un après l’autre. Un fil devait être lié au poignet du premier né afin que de le différencier de son suivant.

L’enfant sorti, il faut couper le cordon ombilical, «à quatre doigts après le nombril». Ensuite, il est conseillé de mettre l’enfant en «roses pillées avec miel et sel pour en ôter le sang et l’humeur glueuse, pour sécher et conforter les membres.»

Après la sortie de l’enfant, les sages femmes doivent favoriser celle de la secondine (placenta) car, si par inadvertance elle demeurait au corps de la mère, celle-ci en courrait un grand péril. Trotula, une des rares femmes médecin du Moyen Age, conseille de donner «de la poudre de semence de maulves avecques et se elle vomist c’est bon signe.» Là aussi, les breuvages et fumigations sont les bienvenues. Jean de Cuba dit que «le cyamome quand il beu avec eaue il exclu les secondines de femme.» Une décoction de fleurs de «cheuri expelle et dejette la petite peau de l’enfant appelée secondine.» Guy de Chauliac préconise une fumigation à base de calament, rue, centaurées, camomille, aneth. Un autre moyen était l’introduction d’un pessaire et la fumigation d’écorce de pin et de camomille.

Pour apaiser les douleurs suivant l’accouchement, Trotula conseille un mélange de genièvre camphore, arthenuise et polvarian, le tout bouilli et déposé dans l’eau chaude d’un bain qui accueillera la parturiente. Après, il faut la mettre à coucher «tout doucement dans son lit et lui tenir les pieds et les jambes pour que la mayre s’en retourne doucement à sa place.»


Le repas de l’accouchée

Après l’accouchement et le bain de la femme, il convient de refaire le lit de la mère et lui passer une chemise blanche. On présente aussi une bassine à l’accouchée (dans le cas ou le bain n’est pas pris), pour qu’elle puisse laver ses mains, signe de purification.

Pour lui redonner des forces, une collation lui est apportée. Ce repas rituel se compose très souvent d’un verre de vin, d’une volaille et d’un bouillon servi dans une écuelle.


La mort dans l’accouchement

La mort était bien souvent présente au cours de l’accouchement. Que ce soit la mortalité infantile après l’accouchement, ou la mort au moment même de l’enfantement, le phénomène est très important, à une époque ou la médecine est loin d’avoir toutes les réponses…

La mort de l’enfant semble avoir été fréquente. De nombreux médecins nous en donnent les symptômes : «Se c’est pour leur enfant mort on a grant douleur entour le nombril et fièvre lente et décoloration de la face, lanlene fétide et montent vapeurs horrible amont, et ne se meut le ventre et faut veiller toutes les aultres choses on les peult connaitre par le jugement du patient.» Selon Guy de Chauliac, on reconnaît la mort de l’enfant par «l’amoindrissement des mamelles, et le non remuement de l’enfant, par la froideur au ventre, par la puanteur de l’haleine, l’enfoncement des yeux et amoitissement de lèvres et de tout le visage.» Arnaud de Villeneuve conseille : «la sage femme après avoir mis sa main en eau chaude, fait un attouchement», et si elle ne sent plus l’enfant se mouvoir, c’est qu’il est mort.

Le décès étant constaté, diverses recettes sont prescrites pour faciliter l’expulsion de l’enfant du ventre de la mère. Trotula conseille de prendre du «rutham arthemisiam et le pillez bien en donne à la dame à boire et celuy profitera grandement on luy donne à boire avecques eaue en laquelle soient cuites lupins.» Aldrebrandin de Sienne préconise «de li dounés à boire de l’eue de fins grec où dates seront cuites, et si li dounés trois ou quatre fois, ou plus se nesties est, ou jus de rue, deux drames en vin tiève, ou jus de savinne, ou boire caniele et warance en vin.» De même, que la femme «boyve le just d’un poireau tiède car tel jus fait yssir lenfant hors de la marris.»

De nombreuses herbes sont aussi reconnues efficaces pour favoriser l’expulsion du fœtus mort, comme le laurier ou le genièvre. La centaurée, la fougère, ou le galbanum «quant il est donné avec bon vin et fort à une femme enceinte et grosse il expelle et dejette l’enfant mort sainement et sans grevance.» Une décoction de feuilles de rameaux de sauge bue est également efficace, tout comme les fumigations d’écorces de pin ou de laudanum.

Si toutes ces recettes sont inefficaces, la sage femme doit «essayez les mains ointes et ces lieux étant amollis avec des remollitifs, fomentez et pessairisez.» En effet, d’autres actions énergiques sont parfois conseillées. «Parquoy il est nécessité de leur ayder en telle manière, metez la dame dessus ung linxeul avec frots hommes et nue la dame aye la teste lence et que les hommes tirent l’un contre l’autre à l’opposite des angles du linceul et tantost la femme enfantera» de l’enfant mort. En dernier ressort, une embryotomie peut être tentée. Guy de Chauliac écrit : «sinon, qu’on y mette l’instrument dit speculum, fait avec une vis de pressoir, et qu’on ouvre la matrice tant qu’il sera possible. Et que puis on le tire avec les mains, crochets et tenailles, entier ou en pièces, et qu’il n’y demeure point.»

Mais la mort dans l’accouchement se manifeste aussi par le décès de la mère. En 1397, une femme ne pouvant accoucher, un des bras de l’enfant sortant de l’utérus, fut suspendue par les pieds avec un morceau de bois entre les dents. L’intervention d’une sainte, Jeanne-Marie de Maillé, permit la fin de son calvaire. Elle accoucha d’une fille et mourut le lendemain. Dans les danses macabres, on voit souvent la mort entraîner une femme enceinte.

Dans ce cas-là, tout doit être entrepris pour sauver l’enfant, notamment la césarienne post mortem. Bernard de Gordon est le premier à parler de césarienne post mortem : «Se condement note que l’enfant peut vivre au ventre depuis que la mère est morte au moins par aucuns temps et tantost le ventre de la mère doit être ouvert et doit on traire l’enfant et par tel enfin fut extrait tout premier César si comme on dit et de ce il fut appelé, alors on doit ouvrir la cicatrice par l’instrument de chirurgie.»

Au 14ème siècle, à Angers, après la mort d’une femme en couches, Jeanne-Marie de Maillé ordonne d’ouvrir son ventre. Guy de Chauliac, chirurgien ayant certainement du pratiquer cette opération, la décrit avec précision : «si la femme est morte et que l’on se doute que l’enfant soit vivant. En tenant la bouche et la matrice de la femme ouverte, avec un rasoir de long à côté gauche d’autant que cette partie là est plus libre que la dextre à cause du foie en y mettant les doigts que l’enfant soit retiré.» L’usage de tenir la bouche et la matrice de la femme ouvertes est extrêmement répandu. Bernard de Gordon écrit que les enfants, dans le ventre de leur mère mortes, «ont respirement, car ils attrayent l’air qui est es artères de la mère mêmement quant la bouche est ouverte.»

Notes

[1] Pour les fumigations, on peut également associer diverses plantes telles que les plantes du périclyménos (lonerica periclymenurn, L.), la graine ou la racine du smyrnion (smyrnium perfoliatum, L.), la racine du sureau, ou encore le silure [poisson], particulièrement celui d'Afrique.


Sources :

Du régime des dames pour leur aydier en leur maladie et adversitez, tant de la conception comme de l’enfantement et autrement, Trotula, 15ème siècle, Paris BN, ms fr. n°1327.

Naître au Moyen Age, de la conception à la naissance : la grossesse et l’accouchement (12-15ème siècle), Sylvie Laurent, Ed. Le Léopard d’Or, avec le concours de l’université Paris-Val-de-Marne, 1989, ISBN 2-86377-086-1.

Thèse d'étudiants de l'université d'Utrecht.

[i]Article sur l'accouchement.


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MessageSujet: Re: [Livre]La Grossesse et l'enfance   [Livre]La Grossesse et l'enfance EmptyVen 18 Nov - 16:46

V La Grossesse : un statut particulier

Grosse, ou pas Grosse ?

Étape décisive dans la vie d'une femme, la grossesse est un moment souvent attendu et espéré, dont la préparation se fait dès l'enfance. Faire des enfants était une noble tâche, pour celles qui concevaient dans le mariage, et un devoir pour toute femme qui se devait d'offrir un héritier à son mari. Le refus de grossesse et l'infanticide sont aussi une réalité, qu'il convient de traiter au cas par cas.

L'arrêt des menstrues est bien entendu l'un des signes majeurs qui fait suspecter un état de grossesse. Mais comme l'aménorrhée peut être liée à d'autres causes, la femme qui doute a recours à diverses expériences, mais le plus fiable est le test urinaire, qui consiste à recueillir l'urine de la femme dans un bassin, et à y faire baigner une clef ou un loquet. Pour cette pratique, les commères préfèrent utiliser un loquet, car il est noté que cela est plus décent. L'ensemble est laissé de côté trois ou quatre heures, puis l'urine est répandue et le loquet retiré. Si, au fond du bassin, la pièce de métal a laissé son empreinte, c'est que la grossesse est avérée.
Arnaud de Villeneuve constate que chez la femme enceinte, l'urine est coulourée et y appert une chose comme opilée. Et sont contenues en icelle aucunes petites choses blanches montans et descendans. Maître Bernard de Gordon observe les mêmes dépôts blancs.

Une coutume égyptienne fait intervenir deux céréales pour la détection d'une grossesse : il suffit de planter de l'orge et du blé, que la femme arrosera de son urine chaque jour.

→ Si l'orge et le blé germent tous les deux, elle enfantera.

→ Si c'est l'orge qui germe en premier, ce sera un garçon.

→ Si c'est le blé, ce sera une Fille.

Selon le pseudo Albert, des frissons ou une douleur aux cuisses chez la femme juste après l'acte sont un signe de conception. Bernard de Gordon remarque que la fermeture de la matrice est un critère.
Barthélémy l'Anglais quant à lui, signale de nombreuses transformations dans son encyclopédie. La future mère a le teint qui change : elle mine couleur. Son visage se creuse, elle devient perte dessoubs les yeuls. Son corps aussi se modifie, les mamelles sur enflée prennent de l'importance. Un autre symptôme est qu'elle vomist souvent car l'enfant prend de la place et contraint la matris tellement que le cueur sen deule. C'est sur ces signes qu'une fille sait qu'elle est grousse, car elle vomist au matin et devient palle.

Les pertes d'appétit, comme les nausées, sont aussi autant de témoins qui font suspecter une grossesse. Marguerite de Feschal, écrivant à son mari, lui narre ses tracas de début de grossesse. C'est au matin que les nausées sont les plus perceptibles : touzjours au matin je tire du cueur. Ses habitudes alimentaires se trouvent modifiées et le vin revigorant n'est plus apprécié : et si ne puys aymer le vin ; et me trouverez bien maigre, et ne ay riens que le ventre et estomac que je ay groux, car je ne treuve appetit que en toutes viandes. Le régime carnassier correspond donc à la seule nourriture que la dame puisse avaler avec appétit.

Parmi les signes également fréquemment relevés sont les envies, irrépressibles. Barthélémy l'Anglais constate ainsi simplement qu'elle desir diverses choses. Le pseudo Albert remarque que la femme a des envies comme manger de la terre ou du charbon ou des fruits comme pommes et mûres.
En tête de ce que certains considèrent comme des caprices se trouve le désir de viande, souvent pas n'importe quelle nourriture, d'ailleurs, ce qui pousse certains hommes à chasser des animaux qui ne leur sont pas accessibles ordinairement, voire même à braconner sur les terres réservées à leur seigneur.

Certaines femmes peuvent alors être tentées de tromper la confiance de leur mari, et c'est pour déjouer cette ruse que Albert conseille aux hommes de faire boire un mélange d'eau et de miel à leur femme. Si elle ressent des picotements autour du nombril, c'est que le test est positif, et que la grossesse est avérée. Si elle ne ressent rien, c'est alors une fieffée menteuse...

Garçon ou fille ?

La grande interrogation concernant le sexe de l'enfant est d'enjeu stratégique dans l'échiquier matrimoniale et économique des familles les plus aisées. Philippe le Bon, apprenant que sa belle fille accouche d'une fille, refuse de venir au baptême pour cause que ce n'estoit qu'une fille, mais s'il eust plu à Dieu de lui envoier un fils, il en feust fait grand feste.

La jeune mère devait être l'objet d'attentions et de soins particuliers à fin de pronostics sensés être fiables. En voici quelques-uns.
La manière d'opérer au moment de la conception est censée définir le sexe de l'enfant, le simple fait de maintenir les mains closes pendant l'acte assurerait un fils. L'heure de l'action est aussi cruciale : un fils se ferait le matin et pendant la journée, alors qu'une fille serait le fruit d'un amour nocturne, après les vêpres.
Les savants de l'antiquité ont aussi des théories sur le choix du sexe de l'enfant. Aristote observe que le vent du nord est un facteur permettant la génération de garçon, le vent du sud, celui du midi génère des filles. Dans la même idée, ils nous assure aussi que le regard des parents, nord ou sud au moment de l'accouplement, influe aussi.

Lorsque la grossesse est avérée, des manipulations pseudo magiques peuvent être utilisées pour connaître le sexe de l'enfant à venir : pendant le sommeil de la future mère, il suffit de mettre du sel sur sa tête sans qu'elle s'en aperçoive. A son réveil, il faut alors prêter attention au premier nom qu'elle nomme : s'il s'agit d'un homme, l'enfant à venir sera un fils, s'il s'agit d'une femme, une fille.
Un fabliau nous enseigne la pratique divinatoire d'une dame pour connaître le sexe de l'enfant. La recette est simple, elle fait trois tours autour du moustier (l'église) et prière en l'honneur de Dieu et de ses prophètes. Puis une fosse au talon feïsse, c'est à dire qu'elle fait un trou dans la terre avec son talon. S'au tiers jorz ouvert le trovoie, c'estoit un fils qu'avoir devoie, s'il estoit clos, c'estoit fille : trois jours plus tard, si le trou est resté ouvert, cela signifie alors que ce sera un fils, par contre, s'il est refermé, elle enfantera d'une fille.

D'autres indices permettent d'avancer des hypothèses quand au sexe de l'enfant à venir. Si la future mère sent son enfant sur le côté droit, qu'elle mange de la volaille et qu'elle aime entendre à parler de tournois et de joutes, cette conjonction de trois indices amène nos commères à assurer que la dame porte un fils. Si le foetus est du côté senestre, que la mère préfère entendre des danses et des sons d'instruments, c'est assurément une fille.
Ainsi, dans la tradition, suivant le sexe, l'enfant se trouve situé vers l'un ou l'autre côté de la matrice. Le côté dextre est le côté noble, le côté du garçon.

Les postures sont aussi révélatrices ainsi que la démarche. Si elle se meut plutôt du pied droit que du senestre il est alors certain que la dame porte un fils, le contraire annonce une fille.
Le déroulement de la grossesse est naturellement un précieux indice : si les trois premiers mois de la gestation se déroulent bien, puis les six autres mois avec douleur, il s'agit d'un fils, pour une fille c'est l'effet inverse.
Le comportement du père est aussi pris en compte, un lien spirituel l'unissant à sa progéniture. Quand l'homme engendre un fils, il change peu puisqu'il engendre son semblable. Alors que s'il s'agit d'une fille, celle-ci est hors de sa complexion et le trouble pendant deux ou trois jours. Il convient donc de se rappeler comment se sentait le futur père après l'acte de conception.

Les savants aussi ont leur idée sur la détermination du sexe de l'enfant. Au quatorzième siècle, Barthélémy l'Anglais, dans son encyclopédie, s'appuyant sur Aristote et Constantin, juge la présence d'un garçon ou d'une fille au teint de la femme. La mère est jugée moins gravee du masle que de la femmelle. Son teint est de plus belle couleur et porte plus légierement le filz que la fille.


Sources.

Tiré d'un article du magazine mensuel Moyen Age, et notamment :

L'enfant à l'ombre des cathédrales, Danièle Alexandre-Bidon, P U Lyon, CNRS, 1985.

Les évangiles des quenouilles, Jacques Lacarrière, Espaces libres, Albin Michel, 1998.

Le livre des propriétés des choses une encyclopédie au XIVème siècle, Barthélémy L'Anglais, Stock, 1999.

Les XV joies de mariage, Jean Rychner, Textes littéraires français, 1967.

Etude sur la vie privée au XVème siècle en Anjou, André Joubery, Angers, 1884.

Lais de Marie de France, traduits par Alexandre Micha, Flammarion, 1994.

Les dessous étymologiques de la sage-femme, Michèle Lenoble-Pinson et Fernand Leroy, publié par la Societas Belgica Historiae Medicinae.

Recueil Général et complet des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, Anatole de Montaiglon et Gaston Raynaud, Paris, 1878.

La danse macabre des femmes, Anonyme, Guyot Marchant, 1491, BNF, Y 6133 F2.

Naître au Moyen Âge, de la conception à la naissance la grossesse et l'accouchement (XIIe-XVe siècle), Sylvie Laurent, Le léopard d'or, 1989.
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