Le Moulin à vent

Implanté sur une petite colline, point le plus hault de tout le domaine abbatial, le moulin à vent de l'abbaye de Noirlac est un moulin sur pivot, qui est la version la plus ancienne de moulin recensé en France.

Datant de l'époque ou le roy Louis le septième était roy de France, il est entièrement édifié en bois, les moines s'en servent deux à trois foys par moys, selon les besoins en pain et en farine de l'abbaye.

Il est composé d'une cage en bois qui peut tourner sur un pivot vertical central taillé dans un tronc de chêne. La cage, qui abrite le mécanisme et les meules, est composée de planches verticales (ou essentes) qui se recouvrent comme des ardoises.

La rouquine se posa par terre, non loin du moulin, à moitié à l'ombre d'un arbuste.

Elle avait les mains, les avant-bras, et les vêtements mais dans une moindre mesure, blanchis par la farine pour avoir été prêter main forte au moine meunier pour l'occasion. Après tout, la farine, elle en brassait tellement dans sa boulangerie à Tulle que ça ne la dépaysait pas trop.

Par contre, ce moulin... ça la fascinait de regarder comment la construction permettait au vent de moudre le grain. Ingénieux ! Et fascinant... Et puis d'ici, on avait une vue splendide sur le domaine. L'endroit idéal pour se perdre en songes...

Et ça, les songes en ce moment, elle n'en manquait pas la jeune diaconesse. Même souriante, elle avait toujours l'air soucieuse. Les épaules légèrement affaissée par les responsabilités qu'elle commençait à collectionner... Et la culpabilité... Les doutes... toutes ces choses qu'elle n'arrivait plus à évacuer. Pour sur qu'elle avait besoin de cette retraite. Et d'une confession aussi...

Prendre l'air. En remplir ses poumons et sentir le picotement du froid. Vital et salvateur. Elle avait la sensation de devoir tout réapprendre. Le deuil a l'art de prendre les choses simples et de les rendre douloureuses, lancinantes, comme une plaie qui ne veut pas cicatriser et qui, à la moindre occasion, s'infectera. Et l'infection qu'elle redoute tant, l'oblate, c'est l'acédie. Où serait le sens de tout ça si elle perdait la foi ?

La sœur Neti fixait les ailes du moulins, leur cycle infini la captivait. La vie, tout comme les ailes du moulins tournait inlassablement, sans retour en arrière, parce qu'il en était ainsi.

- Alors respire, parce qu'il est dit que tu leur survivrais. Tu ne sais ni pourquoi ni comment, mais tu dois vivre encore, ma grande.

Et voilà qu'elle se parlait maintenant... se croyant seule. Perdrait-elle la tête ?