[RP] "On apprend mieux l'estomac plein"

Accompagnée de sa jeune élève Thouarsaise, Neti passa les portes du réfectoire pour s'installer à une table. Elle qui voyait les enseignements avant tout comme un partage et un échange, elle avait été ravie de la proposition de partager un repas.

Le cursus de licence était le plus long du séminaire Saint-Benoit... mais c'était également l'occasion de tisser des liens avec ses élèves et c'était une part bien plaisante - il faut l'avouer - du travail de professeur.

La blondinette avait suivi son professeur dans les dédales de l'abbaye : elle était vraiment gigantesque ! (l'abbaye, pas le professeur, voyons !)

Elle s'installa en face de Soeur Neti, ravie de pouvoir faire une pause en sa compagnie.
En attendant de déjeuner - fallait-il qu'elles aillent se servir elles-même ou quelqu'un viendrait-il les voir ? Bah, elle le saurait bien assez tôt - Meili décida d'essayer d'en apprendre un peu plus sur celle qui lui enseignait son savoir.

Dites-moi, ma soeur, comment en êtes-vous arrivée à souhaiter enseigner notre religion ? Voudriez-vous me raconter un peu votre parcours ?

Le repas cistercien n'avait rien de luxueux... La rousse se leva pour aller remplir un plateau de deux écuelles de la soupe du jour, deux morceaux de pain et deux fruits.

- Mon parcours... Vous savez il n'a rien d'exceptionnel. J'ai été baptisé ici, j'ai été formée ici. Ma ville n'avait plus de curé depuis plus d'un an alors je me suis prise par la main, j'ai suivi ma licence et je suis devenue diaconesse, puis diaconesse sacristine.

Elle plongea sa cuillère dans la soupe et, après avoir soufflé silencieusement dessus, l'avala. Elle parlait d'une voix douce, juste ce qu'il fallait pour se faire entendre de la jeune femme sans déranger le reste du réfectoire.

- Quand à enseigner... J'aime partager, discuter, faire profiter, échanger... Et puis, quand on a la charge d'une cure, que l'on baptise les gens, on leur fait également passer les pastorales. J'ai aimé le faire et j'ai eu envie d'enseigner plus de choses.

A nouveau, elle prit quelques cuillerées de soupe avant de poursuivre.

- Vous savez, je n'étais pas beaucoup plus sure de moi que vous ne semblez l'être aujourd'hui. Si vous n'avez pas confiance en vous, ayez confiance en Dieu. Il n'aurait pas mis en vous l'envie de vous investir si vous n'en étiez pas capable.

Soeur Neti se leva quelques instants pour ramener leur repas - la Thouarsaise était quelque peu honteuse de ne pas l'avoir aidée, mais, pour sa défense, elle ne connaissait absolument pas les lieux - et à son retour elle commença à lui narrer une petite partie de son histoire.

Meili l'écoutait tout en entamant sa soupe, après avoir remercié son enseignante de l'avoir servie.

Vos paroles me réconfortent, ma Soeur. Qui sait, peut-être ferai-je le même parcours que le votre !

Elle reprit un peu de soupe - bien meilleure que ce que la piètre cuisinière qu'elle était faisait habituellement ! - avant de continuer.

Quoi que ... la route sera longue ... Je dois vous avouer peiner de plus en plus, peut-être est-ce la fatigue, ou alors les leçons qui deviennent de plus en plus difficiles ...

C'est vrai qu'elle était bien plus lente qu'au commencement, peut-être également un peu moins concentrée ... La blonde espérait bien que cette pause déjeuner la regonflerait et qu'elle serait à nouveau prête à ingérer tout ce que l'oblate aurait à lui apprendre?

L'oblate eut un sourire, un de ceux qui s'éloignent loin, loin dans les souvenirs, en écoutant Meili. Elle aussi, alors étudiante avait envié le parcours de son professeur, avait trouvé en lui un modèle et un référant. Puis la demoiselle en vint à ses inquiétudes sur les leçons en cours et à venir.

- Hum... je doute que ce soit une question de fatigue... ni même de difficulté, à la réflexion. Mais il est vrai que le travail demandé est différent. Les premières leçons étaient, comme la pastorale, surtout des questions se rapportant aux textes de la leçon, où il suffit simplement d'avoir lu, sans que rien ne soit vraiment à comprendre. J'veux dire... la hiérarchie ecclésiastique, par exemple, y'a pas grand chose à comprendre, faut juste en prendre connaissance et l'enregistrer.

Tandis que là, vous arrivez dans l'étude des textes du dogme... et l'on vous demande de lire mais surtout de comprendre, d'en tirer déjà quelques enseignements. Les questions ne sont pas piège, pas particulièrement difficiles non plus, mais contrairement aux précédentes, elles n'ont pas de réponse unique. Chaque élève, chaque professeur a ses mots pour expliquer ce qu'il tire de ces textes. Ca n'est pas plus difficile, mais ça prend peut-être un peu plus de temps. Prenez de l'assurance, en gardant à l'esprit que je ne suis pas là pour vous sanctionner mais pour partager, et surtout, qu'il n'y a pas une seule manière de répondre. Vous ne risquez rien, alors osez. La confiance en soi s'acquiert.

Bon sang que ça donne soif de parler ! Ou bien la soupe est-elle un peu plus salée qu'à l'accoutumée ? Toujours est-il qu'une fois la tirade terminée, elle but quelques salutaires gorgées d'eau. Puis une mine amusée éclaira son visage...

- Si frère Uriel m'entendait vous dire ça, je suis sure qu'il rirait, lui qui m'a vu débuter...

Tout en finissant sa soupe, la Thouarsaise écoutait sagement les remarques de son enseignante.

C'est vrai que les dernières leçons m'ont demandé plus de réflexion que les toutes premières ... Mais je les ai trouvé d'autant plus intéressantes ! J'avoue ne pas être une grande adepte de l'apprentissage "par coeur" mais préférer les questions qui demandent un peu plus de réflexion. Même si, pour le coup, il est plus difficile de penser à TOUTES les réponses possibles.

Croquant dans son quignon de pain, la blonde reprit.

Qui est frère Uriel ?

- Je ne suis pas sure de bien vous suivre... Vous préférez les leçons où un peu de réflexion est demandée, c'est à dire les leçons actuelles mais vous semblez découragée par celles-ci... Et puis, je doute qu'il soit possible pour quiconque d'envisager toutes les réponses. Il suffit que la votre soit claire, ordonnée et réfléchie et c'est l'essentiel. Comment apprendre si l'on ne fait pas d'erreur ?

Un petit sourire et à son tour, elle termina sa soupe avant de répondre.

- Uriel a été mon professeur, dans presque tous les cursus que j'ai suivi ici. Il m'a baptisé également. J'espère le compter encore longtemps parmi mes amis...

L'élève sourit. Elle comprenait l'apparent désarroi de la soeur, et essaya de lui expliquer de la manière la plus claire possible.

J'ai dû mal m'exprimer, ma Soeur. Je ne suis pas découragée, je trouve seulement que ce que nous abordons désormais est plus difficile, je fatigue également un peu - mais ceci n'est pas dû aux leçons, ne vous méprenez pas - je suis donc un peu moins efficace, c'est ce qui m'ennuie. Mais la difficulté ne rend pas les choses moins intéressantes, au contraire.

Prenons cette exemple : il m'est beaucoup plus facile de lire la pancarte annonçant les prix de mon ami boucher que les oeuvres de Dante. Pourtant il est incontestablement plus intéressant de parcourir la Divine Comédie. Voyez-vous où je veux en venir ?

La blonde sourit à son professeur, espérant s'être fait comprendre. Croquant dans une belle pomme bien juteuse - elle avait englouti sa soupe et son quignon de pain en un rien de temps - la Thouarsaise revint à parler de Frère Uriel.

Donc, si je saisis bien, il est en quelque sorte votre Maître ? Il doit en avoir, des montagnes de connaissances ...

(Je me remets à la leçon en cours dès demain !)

La cistercienne ne put retenir un sourire amusé à la comparaison faite par Meili puis elle hocha la tête en réponse à la question qui n'appelait pas vraiment de réponse plus détaillée. Essuyant son écuelle d'un morceau de pain, elle répondit ensuite...

- Eh bien... je n'affectionne pas particulièrement le terme de "Maître", je préfère de bien loin écouter les conseils d'un ami que les consignes d'un supérieur mais dans l'idée, ça doit être ça, oui. Des connaissances ? Ca oui, il en a ! Une grande humilité aussi. Mais je suppose que tous les religieux investis depuis des années ont bien des choses à nous apprendre.

Songeuse, la rousse se demandait si la relation - quelle qu'elle soit - qu'elle avait avec Uriel supportait un désaccord... L'avenir - bien trop proche à son goût - le leur dirait surement. Elle poursuivit en affichant un brin d'amusement au coin des lèvres.

- Ceci dit, je ne saurais que vous déconseiller de me prendre pour référence, modèle, exemple ou quoi que ça soit du genre... Les Hommes ne sont pas voués à en imiter d'autres mais à tracer leur propre chemin, dans la merveilleuse individualité que le Très Haut nous a offerte. Même si nous essayons, de toute notre âme, de suivre les modèles d'Aristote et de Christos, nous le faisons chacun à notre manière, nous recevons forcément leurs enseignements différemment. Enfin, c'n'est que mon avis, remarquez. Là encore, rien ne vous oblige à le suivre...

Grignotant une bouchée de pain, elle conclut :

- N'hésitez pas à m'arrêter, si je parle trop et que la pause est terminée. Je parle souvent trop...

(Pas de soucis !)

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