[RP] Ou deux amies se retrouvent

Jehanne ne parla pas tout le long du chemin. Elle avait juste pu répondre avec autant de chaleur aux gestes de son amie : la serrer dans ses bras et l'accompagner jusqu'aux cuisines en lui serrant la main. Habitude longuement racontée mais toujours présente même alors que toutes deux étaient bel et bien dans le pétrin c'est à dire l'adolescente. Sans un mot ses yeux se promenèrent sur la cuisine, son nez en respira toutes les effluves alléchantes avant de regarder son amie des pieds à la tête, un sourire tout simplement heureux (que nous qualifieront avec neutralité de béat) aux lèvres. Il semblait à la jeune Goupil que cela faisait une éternité qu'elles ne s'étaient vues et ces retrouvailles auraient pu se faire dans la taverne la plus mal famée de paris ou à la Cour qu'il en aurait été de même : elle se sentait à nouveau s'animer.

- « Car je suis tellement désolée Eilinn…

Dans un geste las elle s'assit sur un des bancs de la tablée à côté de son amie. Ses grands yeux verts ne cessaient de regarder la jeune brune. Etait-ce car elles avaient été éloignées qu'elle la trouvait changé? Ses traits étaient toujours autant fatigués qu'à leur séparation mais à l'époque c'était à cause de ce séminaire qui lui prenait tout son temps et toutes ses nuits. Mais au delà d'une fatigue discernable il lui semblait que la Melani avait encore changé, encore grandi et qu'elle était encore plus jolie qu'avant. Le coeur qui se serre. Seigneur, qu'elle y tient à son amie !

- « Dès que je suis allée mieux je suis venue ici, j’avais besoin de te voir. Passer tant de temps enfermée et seule… Oh ça m’a fait du bien, je vais mieux, mais la solitude, quelle horreur ! » Elle tend les mains pour que son amie s’empare des siennes. « Je t’avais promis qu’il n’y aurait plus de drames, tu te souviens ? Et bien je vais tenir ma promesse. »

Oui, plus de drames, fini, et s’il y en a on n’y pense pas trop, on ne réalise pas leur portée, elle va se mettre des œillères et vivre dans le déni s’il le faut mais il n’y aura plus de drames. Elle l’a promis à Actarius, elle l’a promis à Eilinn. Et puis elle a aussi promis au corps inerte d’Ylalang qu’elle serait toujours une bonne amie pour sa fille et qu’elle veillerait sur elle. Pour ça il fallait être à ses côtés, et une bonne amie n’est elle pas celle qui vous écoute et vous fait rire ?

- « Je vais arrêter le Secrétariat d’Etat. Ça me laissera plus de temps, je veux que l’on voyage et que l’on découvre le Monde, plus enfermée. Je veux aller en Bourgogne aussi il faut que j’exécute les volontés que ma mère a exposé dans son testament, pour Elle, je crois que je l'aime encore plus qu'avant tu sais. Et il faut que nous allions nous faire belles pour le Couronnement de Béatrice aussi! »

Elle s'arrête dans un souffle, la bouche entrouverte découvrant ses dents du bonheur. le rose lui monte aux joues car tout ça l'anime, tout ça la titille. Elle aurait tellement de choses à dire! Il faut qu'elles parlent du futur, elle veut la rassurer sur ses noces à venir, elle veut faire des projets, elle veut entendre tout ce que son amie a vécu pendant son retranchement dans les moindres détails... Mais par ou commencer? Certainement par l'essentiel.

- « Je veux redevenir une bonne amie. Si tu veux toujours de moi? Si ta vie ici, à Noirlac ne prend pas trop de temps? »

Un sourire. Eilinn voulait toujours d'elle ! Vilaine crainte, insidieuse peur de ne jamais aimer assez qui se développe chez la Goupil. Est-ce un dégât collatéral des dernières péripéties? peut-être, peut-être pas. sans entrer dans de grandes études sur les dommages que peuvent causer la nouvelle d'un abandon l'on peut aussi tout simplement mettre ça sur le compte de l'entrée dans le monde adulte, ce monde si sombre et compliqué ou les problèmes sont toujours doublés de mesquineries, ce monde ou elle a l'impression que l'on oublie la candeurs et les joies de l'enfance. Et quel est son plus beau trésor à elle, celui qu'elle peut emporter pour tenter de ne pas devenir une adulte comme les autres? Assurément cette affreuse propension à aimer. Mais ce n'est plus le sujet, il est bien vite balayé par l'expression de son amie qui la pousse à froncer les sourcils.

L'ordination... Elle le lui avait annoncé en taverne le jour ou Timéo s'était joué d'elle. A l'époque elle s'était dit qu'il fallait qu'elles en parlent toutes les deux ce n'est pas un choix simple, ce n'est pas choisir si on pend le risque de mettre tel ingrédient dans un plat qui sera éphémère: c'est un peu l'histoire d'une vie. En prononçant ses vœux Eilinn allait donner sa vie entière au Très-Haut chose qu'elle ne peut s'empêcher d'admirer en bonne Aristotélicienne. Mais en tant qu'amie ça l'avait inquiétée, un peu. Eilinn n'aurait jamais d'époux. Et bien oui quand on a passé ses jeunes années à parler de princes Charmants avec sa meilleure copine et que celle-ci vous annonce qu le sien sera le Très-Haut... C'est bizarre.

Alors elle serre ses mains dans les siennes et écoute, elle opine du chef en entendant le nom d'Eoghan, oui oui elle s'en souvient, le brun rencontré dans les cuisines qu'elle avait pris pour un domestique.... Ah non, non lui c'était un autre, Eoghan... Tête qui arrête de bouger et reprend : Eoghan ! Le blond breton venu à Cauvisson et qu'elle avait aussi rencontré à la Chapelle. Ooooh ls se sont disputés? mince alors, est-ce pour ça qu'elle est triste? Une dispute ça s'arrange, il faut lui offrir des nougats et peut-être même qu'elle peut lui donner un lapin, ça, ça lui ferra forcément plaisir...

Et il m'a embrassé...

- « QU-OI?!

Un cri strident et un sursaut, elle lâche les mains de son amie pour cacher sa bouche grande ouverte. Droite comme un "i", les yeux ronds comme des soucoupes elle regarde Eilinn. Horreur? Surprise? Surprise ! Ohmondieu ohmondieu ohmondieu... Les sourcils se froncent, la gêne de ce qu'elle va dire colore ses joues et elle avance la tête vers son amie.

- « Qu'est ce que ça fait? Je veux dire... C'est comment? Tu sais que j'en ai peur moi, embrasser un garçon... C'est effrayant? Ça fait... Mal?

Et bien oui, on se pose ce genre de question à cet page là et surtout quand on sait que l'on sera mariée dans l'année, qu'il faudra embrasser ET faire des bébés. A quatorze ans, vous rendez-vous seulement compte de la chose que c'est? C'est un truc de grand quoi, un truc d'adulte, le faire c'est faire partie d'un club très privé qui n'est d'ailleurs pas forcément cautionné par l'Église... Pensée qui la fait se redresser.

- « Tu l'as giflé j'espère. Ça ne se fait pas, il est très inconvenant, je pense que je vais lui écrire, tu sais qu'Aléanore m'a légué les services de l'Araignée je ne l'ai toujours pas contacté, ça sera sa première mission en mon nom pour le corriger. Les bretons vraiment quelles façons! Te faire ça à toi alors que vous n'êtes pas liés, qu'il n'a même pas demandé ta main et pire encore que tu t'apprête à prononcer tes vœux... Ooooh! » Silence. « Que vas-tu faire? »

Comme si son amie était parole d’Evangile, la jeune Goupil est littéralement pendue à ses lèvres. C’est un effort de concentration exceptionnel qu’elle déploie, un arsenal de moyens favorables à la mémorisation pour ne rien perdre des explications données. C’est vrai quoi LA première expérience ! Les premiers détails, les premières sensations de baiser qu’on lui raconte. Il faut faire appel à tous ses plus loiiiiintains souvenirs de l’adolescence, cet âge à la fois béni ou l’on découvre et ingrat de part toutes les réactions autant physiques que mentales que les jeunes supportent, pour réaliser combien c’est important. Et puis n’est ce pas drôle que se soit celle qui veut donner sa vie au Très-Haut qui soit le temps d’explications la professionnelle en bisous, LA fille avec une expérience hallucinante, la guide de celle qui prochainement se ferrait passer la bague au doigt ? La vie sait être parfois follement comique.

Nooooooooooon ne fais pas ça ! Mais ce n'est pas si grave hein ! Et non, une correction par l'Araignée, enfin c'est aller un peu loin ! Je t'en prie, ne fais rien ! Et ne dis rien à personne surtout, ça sera notre secret !

- « Si tu veux… Tant pis, c’était une occasion de choix pourtant pour tester la nouvelle fidélité de cette brave Araignée…

Ce que je vais faire ? Je n'en ai pas la moindre idée en fait... Peut-être que je vais repousser mon ordination le temps d'y voir clair, et de toute façon il me faut encore l'autorisation de Rhân... C'est compliqué tout ça...

Et une Jehanne Elissa qui opine vigoureusement du chef avec un air ô combien entendu et compréhensif. Oh que oui c’est compliqué, qu’elle ne lui en parle pas. Elle-même ne sait plus trop ou donner de la tête : les fiançailles, les premiers baisers, ces drôles de rêves qu’elle fait parfois ou alors l’absence de plus en plus inquiétante de poitrine alors qu’elle est entrée dans le grand club des Femmes ? Compliqué… Compliqué.

Et pour le Sacre de Béatrice, je ne pourrais pas t'accompagner malheureusement... Enfin à la cathédrale je pourrais, mais pas au banquet...

Corps de la jeune rousse qui se raidit d’un coup d’un seul, dos qui se dresse et sourcils qui se foncent. Pardon ? Eilinn ne sera pas là ? Elles ne pourront pas regarder les tenues et s’extasier, bavasser ça et là sur des figures du Royaume ou retrouver leurs amis ensemble ? Oh ça devait être à cause de l’ordination… Est-ce qu’une jeune prêtre ne peut aller à de telles festivités ? Certes les fastes déployées seront certainement très très éloignés de l’austérité et de la modestie de la vie monastique, surtout connaissant l’amour des belles choses de leur nouvelle reyne mais quand même… Ils n’allaient pas lui enlever sa cavalière non ? Elle ouvre la bouche pour s’insurge contre la vie, le monde, l'autorité et les adultes (espèce d’ado !) quand son amie la prend par les mains et la fait tournoyer.

Parce que je viens d'être nommée Premier Maitre d'Hotel de la nouvelle Reyne, et que c'est moi qui cuisinerai le banquet, c'est pas merveilleux ça ?!?

- « Hiiiiiiiiii !

Oui ceci est un cri strident et elle serre fort à l’en étouffer son amie entre ses bras le tout en faisant de petits sauts de joie.

- « C’est merveilleux Eilinn ! Enfin tes talents sont reconnus et vont l’être de tout le Royaume, enfin ! Aaaaah fini les petites cuisines à toi le Louvre, à toi les honneurs et la reconnaissance ! Oh je suis tellement contente ! Comme ça je viendrais plus souvent à Paris te voir j’en aurais le temps et tu me ferras visiter, hein dis ? Et on ferra les magasins aussi! Oh c'est exceptionnel!

Et à son tour de mener une dangereuse valse dans les cuisines, tellement dangereuse que quelques ustensiles déposés ça et là manquent de tombent et d'ailleurs certains ne ratent pas le sol, et elles tournent au tour de la table, une fois, deux fois... Et se rassoient sous l'impulsion de Jehanne Elissa. Essoufflée elle regarde son amie comme émerveillée. Pour sur elle deviendra une Grande.

- « Emploie tout le temps nécessaire avant de faire des choix, j'entends surtout par là ton ordination. Et toutes tes décisions sont justes et honorables, Rhân ne devrait pas te poser de soucis... Par contre... » Un air sérieux vient se dessiner sur le visage rosit par 'effort de la jeune Goupil. « Il faudra faire attention à Paris et ne pas répondre à toutes les tentations que la ville offre... Penses-tu que je pourrais loger au Louvre quand tu y seras? Après tout tant qu'a avoir du sang royal, certes d'une royauté déchue, du côté de mon lâche de père il faut que se soit utile... Et là, peut-être que j'enverrai l'Araignée te surveiller quand je ne serais pas là car... »

Nouveau silence. Inspiration, expiration, on reprend.

- « Car il faudra certainement que je sois auprès d'Adrian dans quelques temps. » Ca y est, elle l'a dit. Presque craintive, assez pour faire un bel ascenseur émotionnel suite à la valse endiablée, elle regarde son amie. « As-tu peur pour notre amitié à ce sujet? »