{JEU ONLINE} ARCHIVES DE L'ABBAYE SAINT-ARNVALD DE NOIRLAC, MERE DE L'ORDRE CISTERCIEN
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 Entretien nocturne

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Eloin
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Eloin


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MessageSujet: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyMar 24 Mai - 17:53

La nuit tombait lentement mais surement sur le Berry, et sur Noirlac, apaisant pour quelques heures le vent frais qui avait soufflé en rafales durant tout le jour. La journée aurait du estre chaude, s'il n'avait point tant venté.

Et ce soir, une lune ronde et pleine éclairait d'une étrange lueur le sol en damier de l'aula. Les vitres des hautes fenêtres laissaient passer la blanche lueur de l'astre de la nuit, évitant à la moniale d'user de chandelles pour son ouvrage nocturne.
A l'heure ou bon nombre des résidents de l'abbaye -séminaristes comme membres de l'ordre cistercien- dormaient du sommeil du juste, la Grande Prieure était occupée à ranger la récolte du jour. Feuilles, fleurs, racines de plantes médicinales rejoignaient les unes après les autres les petits pots de verre dans lesquels ils seraient conservés durant plusieurs moys.

Au moment ou elle s'apprêtait à ranger les pots dans la pharmacie, le frère wilfred entra dans la grande pièce, pour luy délivrer une singulière annonce : la baronne de Donges souhaitait s'entretenir avec un membre du chapitre, pour une affaire importante.

Donges... Eloin eut beau fouiller sa mémoire, ce nom-là ne luy évoqua nul souvenir, ni parmi ses proches, ni parmi ceux qu'elle connaissait de par ses diverses fonctions. Aussi ne chercha-t-elle guère longtemps, et, d'un hochement de teste, elle indiqua au frère portier qu'elle allait recevoir la visiteuse tardive, et qu'il pouvait la guider jusqu'en l'aula.

Une foys le novice reparti vers la conciergerie, la sœur herboriste alla prestement ranger les pots dans la pharmacie, avant de revenir dans l'aula, où elle ajouta une chaise face à la petite table, devant laquelle elle était assise lorsque frère wilfred était venu l'avertir. Puys elle posa, devant le mince feu qui se consumait au seing de la cheminée, une pinte en bronze, dans laquelle elle prit soin de faire infuser les feuilles de plusieurs plantes, préparant ainsi une tisane aux vertus réconfortantes. Elle était loin de se douter à quel point sa visiteuse aurait besoin de pareil breuvage pour refaire ses forces...
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Gwenn
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyMer 25 Mai - 10:27

Fumée et plantes mélangées. Deux odeurs aussi écoeurante l'une que l'autre, qui prirent Blanche à la gorge alors qu'elle entrait dans la pièce. Mais elle en avait l'habitude, car il est des odeurs équivalentes dans chaque castel, chaque maison, chaque pièce ou un âtre trône. Celle de la paille ou des fleurs qui jonchent le sol, selon la richesse de l'occupant ; des chiens qui baillent leur grosse gueule et mordillent l'os au pied du lit ; de la cire qui fond, du feu qui crépite... Tout un tas d'odeurs étonnantes, qui ne soulèvent plus les narines une fois que vous y êtes habitué.
Aux décoctions d'herbes et odeur de suie ? Blanche l'était.

Sage, la Baronne inclina la tête devant Eloin. Et puis, d'une voix chevrotante par l'angoisse, et ses origines nordiques qui lui faisaient écorcher certains mots, elle se présenta.


Je suis Blanche de Walsh-Serrant, Baronne de Donges. Je vous suis infiniment reconnaissante de me rencontrer à une heure aussi tardive, ma... Mère.

Ah, cette barbare. A peine sortie de son trou, elle ne connait que trop peu les rites aristotéliciens, et à peine les distinctions de cet ordre. Elle sait comment s'adresser à un druide. A une neveziad. A l'archi-druide aussi, eusse-t'il été le Duc Mat d'Ouessant.
Mais à une religieuse ? Jamais.
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Eloin
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyJeu 26 Mai - 18:14

La première chose qui frappa Eloin, lorsque son regard tomba sur la silhouette qui s'approchait d'elle, ce fut l'air de grande lassitude qui s'en dégageait. Puys ses yeux remontèrent jusqu'à rencontrer un visage, pâle à faire peur, renforcé par la voix faible et enrouée qui s'adressa à elle.

La moniale se demanda ce qu'il avait bien pu arriver à cette femme, et ce qui pouvait bien l'amener en ces lieux à pareille heure. Cela devait probablement avoir un lien avec le petit paquet qu'elle tenait contre elle, dont elle ignorait encore totalement le contenu. La cistercienne inclina la teste en guise de salut, avant de désigner une chaise à sa visiteuse.


Bonser, baronessa. Soyez la bienvenue en nos murs, maugré l'heure avancée... Je suys Eloin Bellecour, Grande Prieure de l'Ordre cistercien et soeur herboriste de cette abbaye.

Ne me remerciez point, laisser une femme seule au dehors de nostre abbaye serait contraire au principe de charité aristotélicienne. Installez-vous, nous serons plus à l'aise pour causer.


Et, sans attendre la réponse de la baronne, dont elle ignorait pour le moment tout des origines bretonnes, elle prit place sur le siège qu'elle avait coutume d'occuper.

Bien ! Quelle est la raison qui vous amène en l'abbaye de Noirlac, et surtout, que pouvons nous faire pour vous ?
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Gwenn
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyMar 31 Mai - 16:39

Guetter les regards étonnés à sa figure pâle ; Dieu seul savait combien de fois elle l'avait fait depuis la délivrance. D'abord en croisant dans les yeux bourguignons des domestiques de Decize, l'intolérable pitié de souillons qui connaissaient sa condition, ou l'avaient comprise. Et puis, les fils et filles d'Aaron ou de David ayant continué la tradition, elle resta cloîtrée quarante jours à prier seule, avant que de ne pouvoir regagner dignement la nef des fidèles. Ce, dans le mensonge : elle n'aurait pu expliquer à un homme de Dieu la hauteur de son péché.

Si vous êtes soeur herboriste, j'aurai plaisir à boire vos herbes. J'ai grande confiance en leurs vertus : ma mère, médicastre, usait de son verbe pour m'en vanter les mérites. Et j'ai déjà été soignée par une infusion de millepertuis... fit elle en étudiant le mobilier de la pièce. Elle avança, enfant contre son sein, qui apposait une douce chaleur.

Mais c'est pour un maux tout autre que je viens vous consulter.

Elle se tut brutalement, bouche ouverte mais dont aucun son ne voulait sortir ; il s'avérait qu'avouer la naissance bâtarde de son fils accélérerait l'instant des adieux : et cela, ô Dieu ! Elle le redoutait à s'en mordre les lèvres.
L'humeur aqueuse lui venant aux yeux, en piqûre insolente à sa faiblesse d'âme, elle s'assit et baissa le chef en signe d'humilité. Pour que l'aveu soit, elle dû rester-ci stoïque, fermement attachée à ses convictions comme à un radeau de la Méduse, ne cessant de se les répéter pour ne point les oublier. "Il le faut, il le faut, songea t'elle. Pense à ton enfant, son avenir à tes cotés serait si terrible..."


J'ai enfanté il y a de ça quatre mois, un fils bâtard du Prince de France. Et, ce disant, elle entrouvrit ses langes, étonnamment lâches, car elle n'avait confiance en ces tissus riches que l'on serrait à outrance : elle voulait qu'il respire, qu'il sente son parfum de toute la largeur de sa petite bouche, elle voulait qu'il s'imprègne d'elle... Elle voulait qu'il soit marqué par son souvenir.
Sa marraine seule est au courant, elle et quelques personnes de confiance, ajouta t'elle en caresser de son pouce le trait potelé de son cou.
Croyez-vous, ma Mère, qu'il soit possible que ma chair trouve ici refuge ? Je ne puis me résigner à le garder auprès de moi. Ni ne puis courir le risque que son père l'arrache à mes bras, ou supporter la vue d'une engeance qui rappellerait constamment ma défloraison forcée.

Tout était dit.
Résignée, humiliée, celle qui fut Princesse clôt un instant ses yeux, et se rendit maitresse du moindre mouvement de son corps ; elle sentait l'enfançon posé contre sa gorge, en calme souvenance de sa confection. Et puis, sa propre respiration, étrangement calme, d'une bouche à demi-ouverte au visage légèrement balancé vers l'arrière, aux yeux nappés d'eau claire, pour guetter au ciel une absolution divine.
Quelques secondes, et un maintien de soit la fit tourner à l’ecclésiaste un visage tout serein.
Moi, pleurer ? Allons. Big girls don't cry !
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Eloin
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyMer 1 Juin - 13:54

Un sourire nostalgique erra sur les lèvres de la moniale lorsqu'elle oya sa visiteuse parler de souvenirs liés à sa mère. Enfant chétive, abandonnée aux portes d'un couvent quelques jours après sa naissance, par des parents trop pauvres pour se permettre d'élever autre chose qu'un fils en parfaite santé ; Eloin n'avait jamais eu de mère à proprement parler, bien que la moniale attachée à son éducation - une jeune veuve dont l'enfant était mort-né, et qui avait pris le voile pour éviter un nouveau mariage arrangé par son père- ait rempli ce rôle de son mieux. Elle se souviendrait jusqu'à sa mort de la gentillesse de sœur Marguerite, de tout ce qu'elle luy avait enseigné, et notamment cet art des simples qui luy avait permis de devenir médecin après avoir suivi le cursus délivré par l'ordre lescurien, et obtenu le diplôme correspondant.

Le moniale releva son regard vers la baronne au moment où celle-ci prenait place sur un siège, avant de confier la véritable raison de sa visite. Le choc fut grand pour Eloin, lorsqu'elle découvrit l'adorable visage de l'enfançon, mais plus encore lorsqu'elle saisit les paroles qui venaient d'estre prononcées.


... un fils bâtard du Prince de France.

Le Prince de France ?! A ce qu'elle en savait, les enfants de l'actuelle reyne n'avaient point dix années de vie, impossible donc qu'il s'agisse de l'un d'eux. Quant à son époux, le célèbre Guise, il avait été couronné roy quelques instants après que son épouse n'ait reçu la couronne des souverains de France, il ne pouvait donc estre ce "prince". Alors...

Alors il ne restait qu'une seule personne autorisée à porter cette appellation : le dauphin de France, époux de la filleule d'Eloin. Elle n'avait jamais eu grande estime pour l'Impérial depuys que son destin était lié à celuy d'Elianor, et se doutait qu'il allait régulièrement voir ailleurs pour satisfaire un appétit charnel "insatiable", d'après les ragots des servantes de Lesparre. Mais apprendre pareille nouvelle, c'était le pompon !

La cistercienne avait blêmi en comprenant qu'elle avait devant elle le bastard de Chlodwig, alors mesme que son union avec Boucles d'Or n'avait point, pour le moment, daigné porter de fruit. Cela aurait pourtant arrangé bien des choses, et notamment l'espacement des nuits que passaient ensemble sa filleule et son mari. Elianor en sortait, à chaque foys, pleine de larmes et de bleus, traces des coups que son ordure d'époux ne pouvait se retenir de luy donner avant, pendant, ou après l'acte de chair. Eloin ne pouvait rien faire d'autre que prier pour que les relations entre ce drôle de couple puyssent un jour s'améliorer, en vain pour le moment...

Elle déglutit péniblement tandis que luy parvenait la demande de Blanche, et tout ce que cela impliquerait non seulement pour elle, mais aussi, et surtout, pour l'abbaye et les membres de l'ordre cistercien. Un long silence s'installa alors entre les deux femmes, à peine troublé par les vagissements de l'enfant qui dormait profondément, ignorant que son destin était en train de se jouer sur l'heure.


Vous me demandez donc de dissimuler cet enfant aux yeux de son père et de tous ceux qui pourraient faire le lien entre luy et vous... Est-ce un abandon pur et simple ? Ou envisagez-vous de le reprendre lorsque vostre situation se sera améliorée ?

Il faudrait également parler de la contrepartie, elle ne pouvait accepter pareille charge sans demander une compensation, quelle qu'en soit la nature. Mais elle n'en était point encore là, le sujet viendrait bien assez tôt dans la conversation. Pour le moment...

Quel nom luy avez-vous donné ?
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Le Petit Prince
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyVen 3 Juin - 20:10


    • Dans le carrosse

Valse poétique d’un carrosse qui épouse les moindres courbes de la route sinueuse. Des roues s’élevaient des notes de musiques qui berçaient tendrement le jeune Prince somnolant. Et c’est sur ces petites routes que, gaiement, la voiture déambulait comme un bateau ivre sur les vagues amères. L’enfant sentait autour de lui un parfum qu’il n’avait jamais – ou presque – humé. Il s’exhalait de ce corps si chaud, si réconfortant, sur lequel sa petite tête fragile était posée. Et toujours le fameux convoi roulait, rendant heureux ses prestigieux hôtes.

L’enfant savait-il qu’il était amené vers son lieu de mort ? Ténébreuse abbaye, où nulle lumière ne pourrait entrer. C’est parce qu’il sentait qu’il arrivait – aurait-on pu croire – qu’il se mis à pleurer, de tous ses poumons. La peur était à son paroxysme lorsque le carrosse s’arrêta. Les notes ! La musique ! L’enfant cherchait en son fort intérieur à reproduire les précédentes berceuses qui l’avaient fait s’endormir… Or, plus rien. Seul le souffle rauque de celle qui le portait. Il criait jusqu’à qu’elle le berce. Faute de musique pour apaiser l’âme, le voyage corporel reprenait. Puis la porte s’ouvrit, laissant au froid la douce peau.

Le voyage continuait, mais l’environnement était trop vif pour qu’il puisse ouvrir les yeux. Enfin, au bout d’un moment, il vit la lumière baisser d’intensité.

    • Entrée dans l’abbaye

Pauvre enfant. Pauvre misérable insignifiance. Ne sais-tu pas que crier ne retardera pas ton abandon ? Ce doux parfum qui comble tes sens ne sera plus. Il laissera place aux corps froids, rêches et sans parfum. Te voici confronté aux hommes : esquisser le bonheur pour te le refuser juste après. Et c’est comme ça que tu devras vivre. Puis du bruit ! Des voix ! Comme celles des oiseaux, et comme celle de la voiture qui conversait avec la route ! Parlez, et ne vous arrêtez jamais !

Le petit pouvait à nouveau se reposer, et plonger dans le bonheur de cette musique envoûtante.
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Gwenn
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptySam 4 Juin - 11:24

Elle redressa un regard effaré à Eloin, princesse à la majesté de son muet désespoir ; elle avait une timide torture dans les yeux, liée sans doute au sujet abordé : fallait-il parler de Chlodwig qu'elle se murait dans sa célèbre profanation. Elle devenait cette autre, stupéfaite et éhontée paradoxe, elle était la barbare souillée ainsi qu'Eloin semblait le rappeler... Mais digne et déconfite, elle ne relevait jamais l'outrage.
Tous les démons humains saluaient le courage de l'une des leurs. Elle était la Reyne païenne des âmes damnées.


- Je vous supplie, répondit-elle en insistant peu, et cela était étonnant, du reste, l'insolence de cette phrase abandonnée avec si peu d'insistance, je vous supplie, comme je vous demande, les mots seuls accusent la dureté de ma prière, mais mon ton, lui, reste froid et indifférent. Je vous supplie de cacher cette créature de Dieu de toute personne prête à lui nuire.

Elle sourit, si pathétiquement, à baisser le nez vers la dorure des cheveux du fils, comme une couronne de louis d'or, comme une tiare, un diadème, un bandeau empirique marquant son ascendance, Thibaut avait les cheveux de ses deux parents. Pis, la couleur semblait d'avantage à celle de Chlodwig, et elle se félicitait à caresser sa joue qu'il ait pour lui convenir les yeux d'Avalon.

- Je reviendrai le chercher lorsque je serai mariée, et sûre de pouvoir le protéger de Lui.

Elle ne rajouta rien. Une douleur sourde dans sa nuque se rappela à elle alors qu'elle se penchait vers son verbe. Son dieu. L'Unique. Elle avait l'impression persistante qu'Eloin n'avait pas compris l'horreur de son geste. Ni saisi le péché incarné dans son fils. N'était-il pas la diabolique engeance d'un faiseur de bâtard ? N'avait-il pas été conçu dans la souffrance, les insultes, la rage et la folie ?
Il avait, en lui, selon les divines écritures, une partie de ce que son père avait porté en elle. Il avait été créé par une semence satanique ; d'un bout du Malin l'enfant avait jailli, alors assurément... Il devait l'être un peu.

- Il n'a pas encore de nom, murmura la fille. Je n'ai pas osé le faire baptiser. Je ne suis personne, pour imposer à la communauté religieuse un fils issu du Diable. Mais j'ai choisi pour lui, sans que ça ne soit écrit nulle part, les noms des anciens ducs et rois de Bretagne.
Qu'il soit fier de porter leurs noms, sans se douter qu'il en est issu.


Oh oui. Double ascendance altière. Double naissance princière. Thibaut Uter est de ces rares descendants des Pendragon. Il est du sang d'Arthur, et presque baptisé par Merlin. Il aurait pu naître Brocéliande, et du reste... Il en a l'éclat blond.

- Thibaut Uter de Walsh-Serrant. Car je le reconnaîtrai lorsque le temps sera venu.

Et, pour ne pas affronter le regard de la mère, elle plongea le sien empli d'adoration dans les pupilles dilatées du dernier bâtard de sa famille.
Bonjour, Thibaut Uter.
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Eloin
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptySam 11 Juin - 15:15

Elle détestait qu'on la supplie. Parce qu'elle-mesme n'avait jamais supplié personne, parce qu'elle n'aimait pas se sentir l'ultime recours d'une âme désespérée, parce qu'elle savait que les supplications ne menaient souvent à rien. Et aussi parce qu'elle savait d'ores et déjà qu'elle accepterait cet enfant au seing de l'abbaye, se doutant bien que sa mère n'avait guère d'autre endroit où le confier.

C'est d'une voix atone que la moniale répliqua.


L'enfant risque donc de rester plusieurs années en nos murs, d'ici à ce que vous trouviez un parti suffisamment courtois pour accepter de prendre le petit à sa charge... Je ne voudrais point paraistre pingre, ni vous donner l'impression de marchander l'éducation de vostre enfant, mais il nous faudra le nourrir, et le lait qui sera trait des chèvres de l'abbaye pour son allaitement sera cela de moins pour la confection des fromages confectionnés par le frère fromager...

Pour le linge ce ne sera point un problème, nous avons suffisamment de tissu pour luy coudre des habits au fur et à mesure qu'il grandira. Et pour veiller sur luy lorsque je ne pourrais point le faire, je gage que je trouverais bien un novice qui se dévouera à cette tâche !

Il nous faudrait donc convenir d'une petite compensation pécuniaire, ne serait-ce que pour le temps de son allaitement. Nous verrons par la suite...


Cacher l'enfant aux yeux de tous ne serait point une mince affaire lorsqu'il commencerait à marcher, il faudrait veiller à ce que le petit ne mette point les pieds hors de l'hospice, et luy éviter de croiser les séminaristes qui suivaient le séminaire médical.

Vous me demandez de le dissimuler aux yeux de tous ceux qui pourraient luy vouloir du mal... Vous n'aurez qu'à me prévenir du nom et de la date supposée de l'arrivée d'éventuels visiteurs, ainsi je ne luy accorderais aucune visite en dehors de celles dont vous m'aurez confirmé la validité.

Thibaut Uter... Beau prénom pour un petit bout d'homme, songea-t-elle en s'efforçant de le graver dans sa mémoire. Il n'y aurait point de traces écrites de la présence du petit breton dans l'abbaye, point de charte signée entre les deux parties comme cela se faisait lorsque les parents "donnaient" un de leurs enfants à l'église pour en faire des clercs. Le secret serait gardé jusqu'au bout, la moniale y veillerait, elle-mesme l'emporterait dans sa tombe...

Le père est-il au courant de ce qu'il a conçu un enfant avec vous ?
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Gwenn
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptySam 9 Juil - 8:05

L'ascendance ducale de Blanche l'avait éloignée petite fille, de toutes les considérations pécuniaires et désagréables dont il était usage entre grandes personnes de modeste condition ; l'on parlait, c'est bien connu, dans les cercles bourgeois d'autant de sujets sages et polis, que de vagues rapports de comptes honteux, voire ! Le cas échéant, de tractations qui avaient lieu sous la nappe claire d'une invitation familiale. Oui, selon l'esprit sarcastique de Blanche, seuls les petites gens parlaient argent, car il était évident qu'en étant née au château princier de Nantes, ou tout du moins en en étant une branche issue, elle n'avait, et n'aurait jamais que énormément d'argent. Inutile, donc, que d'intervenir de la façon dont la Mère supérieure le faisait ; inutile qu'elle mandât à recevoir de quoi nourrir l'enfant. Selon la bretonne, tout cela était évident : de la même façon qu'il ne boirait jamais du lait de pauvre, ni de la viande maigre. Il aurait pour son jeune âge, le lait d'un sein qu'elle choisirait elle-même à défaut d'y pouvoir offrir le sien. Il aurait pour grandir, la nourriture la plus riche, la plus exemplaire, si bien qu'il n'aurait à souffrir dans sa condition, que de hanches larges au possible, jamais ! En tous cas, jamais d'une faible constitution.
En lovant une phalange entre les doigts forts du petit-né, Blanche exprima à la dame son intention profonde de payer tout, tout et plus encore, car, et elle l'expliqua lentement, visiblement intéressée à peser tous ses mots, elle était forcée par le père et sa folie légendaire à cacher son fils, mais elle l'aimait, et elle continuerait à le faire de toutes les façons possibles.
Du reste, après avoir convenu de faire acheminer au monastère toutes sortes de denrées sous le prétexte louable d'une charité aristotélicienne, elle reprit la discussion sur la marraine, et le baptême de son cher ange.


- J'ai choisi en tant que Marraine par Dieu, dit-elle dans une soudaine faute de langage qui rappela avec maladresse qu'elle ne parlait le français que moyennement, la très chère Marquise de Nemours, Clémence de l'Epine.
Nous avons convenu toutes deux que je visiterai à l'avenir votre monastère et mon fils sous cette identité fallacieuse. Un bretonne ici, pleinement reconnue, cela serait trop dangereux.


Cruellement, l'image de Chlodwig lui revint en tête, et, prostrée au fond de son fauteuil elle resserra un peu les bras autour du bambin aux yeux ouverts.
Chair protectrice.
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyJeu 14 Juil - 12:23

Un simple hochement de teste vint accueillir la promesse que l'abbaye n'aurait que peu de frais à engager pour l'entretien et l'éducation de l'enfant. La moniale se leva et fit quelques pas, afin de prendre la pinte qui reposait au bord de l'âtre, saisit deux gobelets de cuivre dans un vaisselier placé non loin de là, et leur servit de la tisane réconfortante qu'elle avait préparé juste avant l'entrée de la baronne.

La Marquise de Nemours... Je connais ce nom-là, mais je n'ai jamais vu la demoyselle de près, et je gage que ce sera le cas pour nombre de membres de mon ordre... Sauf peut-estre pour Eilinn, nostre sœur cuisinière, puisqu'icelle est le maistre d'hostel du Louvre, ce qui l'amène à connaître beaucoup de monde.

Elle ajouta pour elle-mesme qu'elle s'accommoderait des éventuelles questions de la Melani, elle saurait bien luy expliquer le pourquoi du nom d'emprunt, sans pour autant tout dévoiler du secret qui venait de se nouer entre la bretonne et la Grande Prieure, à la lueur étrange et complice de la Lune.

Avez-vous certaines exigences concernant son éducation future ? Nous nous chargerons, bien sur, de luy apprendre l'essentiel de l'Aristotélisme, et tout ce que doit savoir un enfant issu de nobles parents, sauf si vous y émettez quelques objections...
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyJeu 8 Sep - 7:13

Qu'il soit élevé comme il convient, souffla t'elle en se relevant soudain.
Dans ses bras, le tas de langes inerte laissa choir un sourire. Sentant sa gorge se serrer d'une bien drôle façon, elle releva le nez et se força à ne plus le regarder. Elle avait, de toute façon, une image extrêmement nette de son faciès, en ayant peut-être, enlevé dans sa mémoire les traits caractéristiques des von Frayner : Thibaut, de ce nom si commun, n'était pour elle que Uther, n'était pour elle que ce Roi breton. Bien loin de se rappeler qu'elle avait sur son propre blason les têtes de dragon, Blanche avait nommé son fils comme un Pendragon, pour lui donner de facto une résonance celte. Malgré la moitié lorraine de son ascendance, il serait breton, ce petit !

Je reviendrai dans un an, murmura t'elle si faiblement que l'on ne pouvait que comprendre sa détresse.
On entendit un son bien plus aigu en fin de phrase, une sorte de pleur étouffé qu'elle avait coincé dans ses cordes vocales : malmenées, elles vibraient, se gorgeaient d'eau salée, reproduisant une brûlure physique en écho à sa souffrance intérieure.

Toujours sans le regarder, elle déposa l'enfant dans les bras de la mère, tante d'Elianor, presque la famille, donc ! Mais elle ne voyait rien de l'ironie de la situation, elle ne voyait rien de son fils qui lui avait échappé, elle ne voyait rien ne sentait que l'opiniâtre froideur dans ses bras, ses membres glacés d'où la chaleur de son enfant avait disparu.
Sa chair se serra fort, entre ses tripes un noeud se forma, en boule dérisoire daignant à peine lui rappeler son enfant à l'intérieur ; d'une façon ou d'une autre, il lui semblait que toute sa carcasse n'avait jamais tendu qu'à être mère, que son existence entière était tournée vers sa relation avec Thibaut, et, persuadée qu'elle n'aimerait plus jamais aucun homme sinon son fils, elle avait l'abominable sensation d'offrir à une prison religieuse son unique joie de vivre. Son avenir. Sa vie. L'adoré entre les bras si peu maternels d'une bure sombre.
Elle se frictionna les bras, le contact lui fit oublier très vite que son corps se mourait de tristesse. Jusqu'à ce que, la faisant choir sur un fauteuil, la terrible tragédie physique lui donna l'impression de vouloir happer son fils et le retrouver entre son ventre chaud, tel qu'elle aurait aimé revenir en arrière au temps de sa grossesse, ou au contraire, elle ressentait des vibrations et des desserrements si forts dans son cou, qu'elle aurait pu accoucher par voie haute.
Son fils naissait en seconde fois, pour être donné en sacrifice à une abbaye...

Elle se mit à pleurer. L'habitude bretonne et les origines barbares et vikings de sa famille étaient telles, qu'elle y arrivait sans émettre aucun son.
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Eloin
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MessageSujet: Re: Entretien nocturne   Entretien nocturne EmptyVen 30 Sep - 14:00

Un bref hochement de teste accueillit la réponse de la bretonne, tandis que la moniale sentait approcher la fin de l'entretien, et la séparation de la mère et de l'enfant. Elle imaginait sans peine la douleur qui pouvait estre celle de la baronne, elle qui fut naguère doublement mère, et qui perdit l'un des jumeaux dans un malheureux accident, quelques moys seulement après sa venue au monde.

Il n'y a rien de pire que la mort d'un enfant, avait-elle longtemps songé. Pourtant, meshuy, à voir l'air abattu de la noble femme qui luy faisait face, une autre évidence s'imposait à elle : vivre loin de son enfant était pire que de le savoir mort, et elle louait silencieusement le Tout-Puissant de ne jamais luy avoir imposé pareille souffrance.

Lorsque Blanche luy tendit son enfant, Eloin resta muette, se contentant de poser son regard sinople sur la petite bouille qui, fort heureusement, ne se rendait point compte de ce qu'il serait bientôt séparé de sa mère pour de longues années. Les traits des Von Frayner étaient présents sur cette face, elle ne pouvait le nier, pourtant elle ferait comme la mère semblait l'avoir fait : elle oublierait l'ascendance paternelle de l'enfançon, tant que cela serait nécessaire.

La Grande Prieure sentit sa gorge se serrer en voyant la femme choir sur une chaise, le cœur au bord des larmes. Elle ne put s'empêcher de la rejoindre, et de poser une main légère sur son épaule.


Soyez forte, baronessa, le temps passera vite, vous verrez...
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