Arrivée tardive

Le voyage initiatique d’Henriet touchait à sa fin, le jeune homme allait devenir un homme. Son baptême devait être la cérémonie de clôture de son escapade.

Le voyage avait été long et fatiguant pour notre petit bonhomme qui voulait devenir grand, il était fourbu et cerné, poussiéreux et affamé. L’abbaye se dessinait dans le noir de la nuit avec ses espoirs de banquets garnis et autres frivolités dont il était raffolé.

Plus que quelques mètres à devoir supporter le tape cul de sa selle. Plus que quelques mètres avant de pouvoir se détendre les jambes et la panse et peut être même le guilleri. Sur ce dernier point Henriet était quelque peu perplexe, le lieu ne se prêtait guère à mugueter ni au tohubohu des corps.

L’adolescent ventripotent arriva donc à Noirlac pour parfaire son éducation spirituelle. Enfin, parfaire, pour avoir un sésame et se faire baptiser. Car il ne comptait pas apprendre grand-chose, lui qui s’était toujours arranger pour ne retenir que se qu’il voulait.

Les portes, enfin, il mit pied à terre et dit pour lui même:

Sanguienne, j’ai la gambe malandre à courre ainsi !

Puis il sonna et attendit qu’on lui ouvre malgré l’heure tardive, il ne voulait point dormir dehors.

Oblate Nombre de messages : 1215 Date d'inscription : 13/05/2010

Fort heureusement, il y avait encore un portier à cette heure. Enfin une portière (de voiture) en l'occurrence, puisque c'était Eilinn qui était chargée cette nuit de l'accueil des visiteurs et retraitants. Comment ? Je vous entends déjà vous récrier sur le fait qu'une gamine de treize ans soit toute seule en pleine nuit à accueillir des tas d'inconnus !
Eilinn vous répondra alors qu'il faudrait être bien fou pour courir le courroux du Très Haut en s'attaquant à l'abbaye-mère de l'Ordre cistercien, et que de toute façon fallait bien qu'elle travaille son trivium et son quadrivium à un moment ou un autre de la journée.

Armée d'une chandelle, vêtue de la tunique blanche cistercienne et du tabard noir classique, elle ouvrit la porte de l'abbaye quand quelqu'un agita la cloche.

La jeune fille nota la présence d'un cheval, il faudrait avertir un des frères s'occupant des écuries pour s'occuper de la monture, et regarda le nouvel arrivant, qui ne semblait pas de bonne humeur. Mais elle ne s'en formalisa pas, et devait accueillir chacun de la même manière

Elle lui fit donc un sourire.

Bonjour, bienvenue à l'abbaye de Noirlac, puis-je vous aider ?

L'attente ne fut pas très longue, et une bonne âme vint ouvrir au petit Henriet. Les cliquetis de l’ouverture, le grincement de l’huis, et la lumière blafarde de la lampe qui éclaire un visage… un visage féminin.

Dieu bon, se dit Henriet, voilà qui est intéressant. Le morveux, ne pensant alors qu’aux plaisirs de la chair, cela va sans dire.

Il décocha un sourire à la portière, qu’il prenait alors pour la dernière des souillonnes et donc, plus facile à trousser, et il dit :

Ola drolette, je suis messer Henriet (là, Henriet en rajoute, un poil).

Il s’inclina légèrement, pour donner le change de sa prétendue grandeur
.
Je viens pour suivre la pastorale. Et le Très Haut m’en est témoin, même dans mes pensements les plus fols je n’aurait cru encontrer une si jolie demoiselle ici.

S’incline une nouvelle fois pour, cette fois, faire le bellâtre.

Oblate Nombre de messages : 1215 Date d'inscription : 13/05/2010

La jeune fille haussa un sourcil au "drolette", étant peu habituée à ce type de petit nom. Et ne put s'empêcher de se mettre à rire, un rire tout ce qu'il y avait d'enfantin, qui n'avait rien de moqueur. Elle ne semblait en tout cas pas du tout troublée par les tentatives de drague du nouveau venu.

Vous devriez éviter les petits surnoms, frère Henriet ! Vous êtes ici au sein d'une abbaye, je suis donc soeur Eilinn. La grande Prieuse est mère Eloin, quant au recteur, c'est Monseigneur Bardieu !

Elle permit au jeune homme de rentrer au sein de l'abbaye. Elle lui décrivit par la suite quoi faire.

Si vous venez pour une pastorale, il faut donc vous inscrire sur l'un des registres du Séminaire Saint Benoit.
Vous pourrez par la suite vous reposer dans une des cellules de l'abbaye, dédiée au repos des séminaristes, et profiter du calme de Noirlac.

La petite rigolait, se qui fit sourire de toutes ses dents jaunes le petit Henriet.

Sœur Eilinn… ce n’est pas un surnom mais un nom, cela veut dire fille dans ma parladure du sud.

Puis, il s’assombri quelque peu

Sœur, si jeune… Ne me dites point que vous avez prit le voile, je ne serais m’en remettre. Moi qui pensais à un signe, je serais tout charouffé de vous savoir mariée au Très Haut.

Il rentra se mettre à l’abri, attachant les reines de son cheval à un anneau. Puis il dit :

Comment cela se passe pour ma pouliche ? J’aimerais bien l’avoir pour aller aux prochaines chasses. Et puis, n’y a-t-il point de banquet ou bien de souper… J’ai grand faim !

Oui, Henriet était en dehors de toute réalité.

Quant à la cellule, y a-t-il du personnel ?

Oblate Nombre de messages : 1215 Date d'inscription : 13/05/2010

Oh un sudiste ! Quelle aubaine pour la jeune fille !

Oh vous êtes du sud ? Je vis en Languedoc pour ma part, quand je ne suis point à Noirlac.

Quand il marqua son désappointement, elle eut un sourire, Eilinn ne semblait point attristée par la situation.

Je prononce mes vœux mineurs demain, ce qui signifie que je peux toujours vivre dans le siècle. Et qu'il y a-t-il de plus beau que servir Dieu ? Peut-être que d'ici quelques années je prendrai le voile, mais je ne vois pas cela comme une punition, mais comme un engagement profond.

Peut-être pourrez-vous comprendre cela après votre pastorale qui sait ?
Pour votre monture, je vais faire prévenir un des frères chargé des écuries, il s'en occupera. Pour vous restaurer, vous pouvez aller au réfectoire de l'abbaye, mais vous devrez vous contenter de pain, du fromage de l'abbaye, et d'une demi-hémine de vin, je crains que pour autre chose il ne soit trop tard !

Et pour votre cellule, j'espère que vous savez vous déshabiller seul, car nous n'avons point de domestique ici !

Toujours un petit rire d'Eilinn, et elle eut quelques paroles d'encouragement.

Mais on s'habitue vite vous savez, je n'étais pas non plus très fière à mon arrivée !

Henriet écouta la jeunette, sans la couper. Il sourit nonobstant dès les premiers mots de la jeune fille, et de plus belle par la suite : Elle vivait dans le siècle, voilà donc qu’il pourra courre le cotillon. Puis, après le petit monologue de la drolette, il dit

Je suis moi-même du Languedoc. Euphor, peut être cela vous dit quelque chose…
J’espère d’ailleurs vous y voir en Languedoc, le cadre, à ne point s’y tromper sera plus… enfin moins… Vous voyez je suppose. Vos pansemor seront exaucés.

Puis un petit sourire, qui se voulait ravageur, pour poursuivre.

Du pain, du fromage et du vin… J’ai du saucisson dans mes bagues.. Si vous voulez, nous pourrions le partager dans ma « cellule ». D’ailleurs, si vous voulez bien m’indiquer le chemin, je suis las.

Oblate Nombre de messages : 1215 Date d'inscription : 13/05/2010

Eilinn eut une exclamation de surprise.

Oh, vous êtes de la famille du Vicomte de Tournel alors ! Vous lui transmettrez mes salutations dans ce cas ! J'ai eu l'heur de le rencontrer en Languedoc, et c'est réellement un homme de bien. Et je serai ravie de vous revoir à l'occasion la-bas !

S'ensuivit la proposition "ravageuse". Mais la jeune Eilinn n'était point complètement folle non plus. Le sourire se fit caustique un instant, tandis qu'elle refusait l'offre.

Cela serait mal vu que je sois dans une autre cellule que la mienne en plein milieu de la nuit. Et je dois rester à la porte jusqu'à prime, je ne puis donc pas, malheureusement, déguster votre saucisson !

La jeune fille lui désigna le batiment de l'abbaye ou se trouvaient les cellules.

Je vous souhaite donc une bonne nuit, frère Henriet !

Double pénitence, on brossait un portrait angélique de son tyran de père et on le rabroué. Il prit sa mine sombre des mauvais jours. Ce n’était pas une bonne entrée finalement. Mais il avait eu la promesse d’un revoir en Languedoc. Il dit donc :

J’espère vous voir en Languedoc, en effet.
Mais pourrais je avoir au moins un calel pour la route, sinon j’ai peur de ni voir mie.

Le ton avait perdu tout enjouement. Il était morne et triste, lui qui avait cru voir un signe. Car en définitive, il était coureur mais croyant. A sa manière il interprétait les commandements.

Oblate Nombre de messages : 1215 Date d'inscription : 13/05/2010

Eilinn fut un peu confuse, elle avait complètement oublié ce détail.

Oh oui, bien sur ! Prenez le mien, j'en ai quelques-uns près de l'entrée de l'abbaye que je pourrai allumer pour mon usage.

La jeune fille lui tendit la bougie qu'elle tenait à la main.

Je connais les lieux, je retrouverai l'entrée de l'abbaye sans problème dans le noir. Bon séjour à Noirlac !

Et la jeune fille laissa Henriet planté à l'entrée de la cour, cierge à la main, pour retourner à l'entrée ou déjà quelqu'un d'autre sonnait.

Planté, comme un chou, il se sentait bête. Il haussa les épaules et soupira. Cierge en main, il se dirigea vers l'endroit qu'on lui désignait. Ce passage promettait d'être épique…

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