[Funérailles] Cérémonie d'adieu à Mysouris

Les cloches de l'abbatiale sonnait à tous rompre, le glas dans ses sons sinistres raisonne faisant vibrer l'air de ses sinistres ondes. Il regardait l'horaire des cérémonies et faillit tomber tant la nouvelle de l'enterrement de Mysouri et donc l'annonce de son décès lui brisait le cœur. Ses souvenirs rejaillissait : c'était il y avait plus d'un ans. La femme alors avait été blessée lors de l'attaque de Fougères et il était maire. Il se souvient alors de l'amitié qui est apparue entre deux ennemis, de fous rires en taverne, de tant de chose qui font que des hommes oublie l'horreur d'une guerre. D'un carnet de voyage tendu. Il doit s'appuyer sa tête tourne. Il reprend ses esprits et passe le porche. Il s'assoit sur un rang de chaises au fond et prie pour l'âme de celle qui avait tant de respects pour les autres.

Tournant doucement dans l'église, le fantôme de Mysouris observe qui vient, et qui ne viendra pas. Curiosité malsaine que de savoir qui sont ses vrais amis.

Quand l'être voit, car oui, la vue lui est revenue avec la perte de la chair, le fantôme faillit en tomber à la renverse. Mais comme il était en l'air, il ne fit que faire une pirouette.

C'était un homme, un Breton, un de ceux qui avait écrit dans son carnet. Elle se souvenait bien de cet homme qu'elle n'avait pourtant jamais vue.

La sensation était étrange, elle savait que c'était lui pourtant, ce maire qui l'avait aidé quand ses compatriotes Bretons cherchaient plutôt à la faire déguerpir malgré les blessures. Les souvenirs se bousculaient.

On dit que la vie se déroule au moment fatidique. C'est faux, les souvenirs reviennent après, comme ici.

Quelle joie, pour ce pauvre être sans enveloppe que de voir ici, cet ami là !

Mes enfants, je vais vous lire un passage du Livre des Vertus, chapitre 5 de la Fin des Temps:

Citation :

“Quand serons-nous jugés? Quelles seront les peines et les récompenses que nous aurons?” Dieu me répondit: “J’ai décidé, lorsque J’ai fais des humains Mes enfants, de leur faire le plus beau des cadeaux: J’ai fais de tous vos esprits des âmes, vous permettant de gagner le Paradis si vous suivez les enseignements d’Aristote et de Christos, mais vous punissant des Enfers si vous vous détournez du chemin qu’ils ont tracé. Vous êtes en cour de jugement tout au long de votre vie. Chaque pensée, chaque parole et chaque action influent sur Ma décision finale. Lorsque chacun de vous meurt, Je décide de votre destination éternelle. Selon que vous avez été vertueux ou pécheur, vous rejoignez les rangs des élus ou des damnés.”

Mes amis, mes frères, prions ensemble pour l’âme de Mysouris. Que Dieu la juge à sa juste valeur et lui accorde une place à ses côtés dans l’astre solaire.

un coche arriva dans la cour de Noirlac, une personne en descendit,
Cricri c'était elle, les yeux rougis, ayant appris la triste nouvelle, son amie Mys disparue.... elle ne l'avait pas cru puis se rendant à l'évidence elle avait fait atteler le coche et avait pris la route poussant le cocher.......

Elle entra dans l'abbatiale, la cérémonie venait de commencer, elle vit son ami Doc qui officiait, elle se glissa sans bruit dans une travée et prit place sur un banc.

Il était en train de lire un passage du livre des vertus, elle l'écouta mais son esprit se mit à vagabonder vers les souvenirs du Berry, ce Berry où elle ne revenait que pour des malheurs !!!

Les larmes coulaient sur son visage, pourquoi tout cela....Aristote ne peux-tu pas arrêter toutes ces disparitions !!!

Les cloches avaient sonné, les Blanches étaient entrées, en cortège, silencieux. La disparition tragique de Mysouris assombrissait les visages et rougissait les yeux. Pherea, comme tant d’autres, était particulièrement affectée par la mort de sa sœur d’arme. Mais contrairement à ces autres, le remord la rongeait.

Si seulement j’avais été plus rapide.
Si j’avais été une meilleure guérisseuse.
Si…

Car c’est l’apprentie Blanche qui avait découvert la lieutenante sous la charrette accidentée à quelques lieues de son Châteauroux natal. Et malgré l’aide qu’elle était allée chercher et les efforts de tous les présents, le destin avait prit le dessus. Il n’y avait aujourd’hui plus qu’à prier pour le repos de la Dame.
Assise à côté de ses sœurs, la fée récita le credo d’une voix tiraillée par les sanglots.

Ses soeurs étaient là, oui, ça elle le savait, puisque celles ci l'avait accompagné jusque l'Eglise. Mais, les voir la réconfortait. Elle en découvrait certaines qu'elle n'avait jamais pu dévisager, tandis que le visage d'autres lui était bel et bien familier.

Et puis, il y avait des inconnus, et des amis, comme Cricri, qui avait du faire le long chemin si vite, pour venir, ou bien Marie Alice qui semblait encore une fois être au même endroit qu'elle par un heureux hasard.

Oh moi je pourrai en dire beaucoup de mots sur Mysouris. Je l'ai bien connu. J'ai presque tout vécu avec elle, non pas presque en fait.

On a eu des jours heureux, et d'autres bien moins bons. On a vécu de nombreux voyages, et faits de belles rencontres. Beaucoup de nos amis sont partis déjà il y a longtemps, maintenant, nous laissons les vivants pour rejoindre les autres.

Bien sur, cela n'est pas facile, mais ensemble nous y arriverons. Pourtant, je me souviens que je n'ai pas toujours été d'accord avec elle. L'une voulais aller à droite, l'autre à gauche. Ridicules nous étions, mais pourtant on finissait par se mettre d'accord.

Plusieurs fois nous avons cru tout perdre, et nous avons en effet perdu beaucoup. Mais finalement, nous avions su remonter la pente, jusqu'à la chute finale.

Mais je ne peux rien dire, car, les êtres de mon espèces ne peuvent pas prononcer ces mots.

j'aurais dû la remercier car elle m'a fait découvrir le valounet^^

Le valounet ! Une boisson inventée par son père ! Anne n'en connaissait même pas la recette. Son frère lui avait dit l'avoir trouvée dans le Livre de Raison de feu le Vicomte de Culan, mais il en gardait jalousement le secret. Pour quoi faire, d'ailleurs ? Qu'est-ce qu'un évêque pouvait bien faire d'une recette pareille ?
Etrange, l'histoire de l'évêque ... Anne ne parvenait pas à imaginer cette dame aveugle, dont elle croyait encore sentir les mains parcourir son visage, à la recherche de ressemblances avec son père, se livrer à pareilles facéties.
"Un cœur d'or", disait l'ecclésiastique. Anne n'en doutait pas. Dame Mysouris avait assisté aux derniers instants de son père et de sa tante, peu avant sa propre naissance, quelques treize ans auparavant. Elle n'avait pas parlé du valounet, quand Anne l'avait rencontrée. Mais ses mots, la jeune fille ne les oublierait jamais.

Valatar était un grand ami et un grand homme ... Ton père a été un grand homme, parce qu'il a su faire renaître la paix entre la Touraine et le Berry. Ce n'était pas simple, il a fallu pour cela qu'il se mette à dos des amis. Tu comprends ? Il a su mettre le bien de son duché avant ses propres envies. Beaucoup l'ont contredit, il a tenu bon.

Mysouris était restée l'amie de Valatar, malgré tout. Elle l'avait compris, avait su expliquer ses actes à une fillette de 7 ans à peine. Anne se souvenait du chien Drizz, qui folâtrait autour de l'aveugle, de l'odeur douce et acide à la fois qui émanait des chevaux tout proches, des faucons qu'on lançait sur leur proie. Elle se souvenait surtout de l'émotion dans la voix de la dame quand elle évoquait son ami mort.
Mue par une soudaine impulsion, elle chercha la main de Dame Marie-Alice, la serra dans la sienne.

Dans l'église, Anne étouffait. Ça n'avait rien à voir avec la température ambiante. Les pierres blondes parvenaient à garder la fraîcheur, les hautes fenêtres étroites, aux vitraux d'une extrême simplicité, selon le vœu de Saint Bernard, laissaient passer la lumière, mais pas la chaleur.
Elle étouffait, parce que les gens parlaient de Dame Mysouris, chacun à sa façon, et qu'elle n'avait pas envie de les entendre. Elle avait envie d'entendre, dans sa tête, la voix de la dame. Pas celle de son grand-oncle. Surtout pas celle-là.
Elle lâcha la main de Dame Marie-Alice, murmura un semblant d'excuses, se glissa à l'extérieur, sur le parvis, non sans s'être signée. Dehors, elle trouverait peut-être la paix.

Eblouie par le grand soleil, elle ne vit pas tout d'abord le garçon assis par terre, les bras autour du cou d'un chien. Et quand elle le vit, elle eut une moue de dépit. Puis elle crut reconnaître le chien.

Drizz ?

Elle hésitait. L'animal releva la tête, toute la tristesse du monde dans ses yeux bruns. Anne se souvenait d'un chien vif, toujours en mouvement, si remuant que sa maîtresse l'avait surnommé "le Fol". Le garçon assis à côté la regardait aussi. Celui-là, Anne ne l'avait jamais vu auparavant, elle en était sûre. Mais lui aussi semblait malheureux. Il devait avoir à peu près son âge, peut-être un peu moins.
Elle resta debout près du chien, jeta un regard, par-dessus son épaule, à la nef pleine de monde.

C'est bien Drizz, n'est-ce pas ?

.....Gruick.......brusquement, je me dresse sur mon banc *hin, que se passe t'il..........ha, c'est mon ventre, j'ai faim, il est quelle heure, je suis ou?
Si, la messe, ma souris, morte, la pauvre aveugle elle si à l'écoute des autres, les autres, toujours là, ouf, ce n'est pas fini, je n'ai pas du dormir longtemps.
Bon, ça fini quand, il y a à manger après comme pour un mariage?*

Le jeune garçon se releva, tout doucement.

Oui, c'est Drizz. Son chien...

Que dit-on à un jeune garçon qui pleure, et ne veut pas que ça voie ? Anne n'en savait fichtrement rien. Il regardait ailleurs, les dents serrées sur son chagrin.
Anne baissa les yeux sur le chien, lui gratta distraitement les oreilles.

Vous l'aimiez bien, vous aussi...

Une simple constatation.

Je ne l'ai vue qu'une fois, vous savez. C'était il y a longtemps, à Lyon. C'était une grande voyageuse.

Une seule fois, en effet. Mais depuis cette rencontre décisive, Anne avait marché dans les pas de son père. Dame Mysouris avait déchiré le voile si soigneusement mis en place par Maryan, la veuve de Valatar. A l'Académie, Anne avait cherché, fouillé, relu tous les carnets de Dame Mysouris.

Une seule fois, et j'ai l'impression de mieux la connaître que ceux que je côtoie tous les jours. Elle avait un don, pour ça : savoir de quoi les gens avaient besoin. Elle sentait les peines des autres, leurs attentes, leurs rêves...

Anne contemplait sans les voir les oreilles de Drizz, qui frémissaient sous la caresse. Elle releva soudain la tête, son pouce glissa sur la joue du garçon, effaçant une trace humide sur la joue empoussiérée. La main de Mysouris avait ainsi regardé son visage, autrefois.

Elle était droite, loyale envers ses amis, même par-delà la mort.

De dire tout cela, non devant toute une assistance endeuillée, enfermée dans une église avec un cercueil, mais seulement pour les oreilles d'un jeune garçon, et celles d'un chien qui ne comprenait que les intonations, ça l'apaisait.

La jeune fille ne fit pas mine de remarquer son chagrin. Quelque part, il lui en fut reconnaissant. Baissant la tête, elle parla à Drizz, ou bien à lui ? Oui ça devait être ça.

Étrangement, ces simples mots lui réchauffèrent le cœur. Il comprenait bien ce qu'elle disait. Après tout... Mysouris ne l'avait elle pas recueilli, lui ?

Quand son pouce essuya une larme qu'il n'avait même pas remarqué, il ne put que sentir son coeur battre plus fort. Ce geste si simple et il la revoyait, elle. Oui, elle serait toujours là pour lui.

Après un déglutissement difficile, l'enfant ravala un moment son chagrin pour raconter son histoire si simple à cette jeune fille qu'il ne connaissait même pas mais qui partageait surement plus avec lui que tous les gens réunis dans la grande église.

Un jour... j'avais faim, j'ai tenté d'la raquetter. Mais c'ui là Il pointa le fol m'dénicha. Au lieu d'me jeter, elle me garda près d'elle.

Oui, elle savait qu'j'avais b'soin d'elle. Elle l'savait d'jà rien qu'en m'entendant. Sans m'voir même. Et moi... j'tais rien avant. Et maint'nant... elle est partie.

Aeldred soupira profondément. C'est vrai, qu'allait il donc faire maintenant ? Reprendre la route et le brigandage ? Incapable de le décider lui même, il ne savait pas ce qu'il ferait demain.

Un jour... j'avais faim, j'ai tenté d'la raquetter. Mais c'ui là m'dénicha. Au lieu d'me jeter, elle me garda près d'elle.

La voix du garçon tremblait. Anne se souvint d'une histoire concernant Mysouris, lue dans le Livre de Raison de feue sa tante Mentaïg. Dame Mysouris aussi avait eu faim, un jour, quelque part en Anjou. Elle aussi avait brigandé. Prise de remords, elle avait fait demi-tour, pour endurer son procès, et gagner la rédemption.

Oui, elle savait qu'j'avais b'soin d'elle. Elle l'savait d'jà rien qu'en m'entendant. Sans m'voir même. Et moi... j'tais rien avant. Et maint'nant... elle est partie.

La détresse se lisait sur les traits du garçon. Il avait cru trouver un appui, un mentor pour ses jeunes années, et il se retrouvait seul, avec pour tout compagnon un vieux chien un peu fou. Anne sentit son cœur se serrer. Elle aussi avait seule, si seule, quand sa mère l'avait arrachée à Gabriel et Blanche pour l'expédier à Vienne. Mais au moins, elle avait Bacchus, le cocher qui s'était si fort attaché à elle. Et puis là-bas, elle avait rencontré Messire Walan, alors Gouverneur, et Messire Philippe, et Dame Draguione, devenue depuis sa marraine, et bien d'autres, qui l'avaient prise sous leur aile. Alors que cet enfant ... Un gamin des rues, sans appui, sans famille, sans personne à évoquer face aux grands de ce monde.

Elle n'est pas vraiment partie. Elle vit en vous, en moi, en tous ceux qui l'ont connue. Et même dans très longtemps, quand il n'y aura plus personne de vivant pour se souvenir d'elle, il y aura ses carnets ! Ils sont conservés à l'Université des Royaumes, et à l'Académie, nous les copions pour être sûrs qu'ils ne seront jamais perdus.

Elle s'arrêta de pérorer, s'avisant que l'Académie, pour ce garçon, ça ne devait pas signifier grand chose.

Je m'appelle Anne. Anne de Culan. Je vis à Vienne, à une grande semaine de voyage d'ici. Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi ?

Une arrivée groupée en l'Abbaye de Noirlac pour les Blanches, un cortège funèbre qui porte bien son nom. Quelle ironie quand la Dame qu'on pleure était la joie de vivre incarnée ! Vie qui ne lui a jamais facilité la tâche...

La flamande ne connait que peu de visages en ces lieux, d'anciennes Blanches pour la plupart. Mys marquait les esprits, oui, tant de gens peinés par sa perte. Comme elle allait leur manquer leur précieuse Lieut' et son Drizz le Fol.

Mes amis, nous sommes tous très affectés par le départ de Mysouris. J'ai moi-même perdu une amie loyale. Mais tâchons de faire fi de notre peine, et au contraire réjouissons-nous car notre sœur est désormais heureuse au Paradis. Elle est maintenant loin des tourments d'ici-bas, et veille sur nous !

La Muse s'interroge : C'est vrai Mys ? Tu es heureuse ? Tu n'as plus mal ?


Je ne cherche pas à minimiser notre douleur, non! Mais il est dans la nature des choses qu'Aristote rappelle à lui ses enfants, même si c'est toujours trop tôt selon nous.

Oui c'est vrai, c'est trop tôt, beaucoup trop tôt...il est trop tôt pour dire adieu à une soeur.

C'est sur cette réflexion personnelle qu'elle se retourne, du mouvement derrière elle, sa muse qui sort... Il faudra qu'elle aille la trouver, elles étaient proches, très proches.

Elle n'est pas vraiment partie. Elle vit en vous, en moi, en tous ceux qui l'ont connue. Et même dans très longtemps, quand il n'y aura plus personne de vivant pour se souvenir d'elle, il y aura ses carnets ! Ils sont conservés à l'Université des Royaumes, et à l'Académie, nous les copions pour être sûrs qu'ils ne seront jamais perdus.

lui répondit la jeune fille. Aeldred fronça les sourcils, qu'était ce donc que l'Université et l'Académie ? Les carnets, il les avait aussi, bien au chaud dans son baluchon. C'est pour eux qu'il avait appris à lire et écrire.

Je m'appelle Anne. Anne de Culan. Je vis à Vienne, à une grande semaine de voyage d'ici. Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi ?

Anne ? Ce nom là lui disait bien quelque chose. Mais oui ! Si Mysouris avait rencontré la jeune fille, elle avait du l'écrire dans son carnet. Il hocha gravement la tête avant de reprendre la parole.

Anne... répéta-t'il pour gouter le prénom. Je suis Aeldred.

Venir, ne pas venir ? Il se retourna vers l'assemblée. Quelques personnes étaient sortis, parmi lesquelles il en reconnu une des Blanches qui étaient là pour sauver son amie. Que feraient les Blanches de lui ? Si toutefois elles faisaient quelque chose. Mais, Mysouris lui avait dit tellement de bien de sa "famille" qu'il doutait qu'elles ne fassent rien du tout. Pour l'heure, il était seul, et c'est Anne qui lui offrait un choix.

Il la regarda attentivement. De Culan avait elle dit, était elle noble ? Surement oui. Est ce que cela changeait quelque chose ? Non. Il la regarda encore avant de détourner le regard vers le chien qui restait là, sagement assis, contre toutes ses habitudes. Puis enfin il se décida.

Je viendrai. Pas tout d'suite, mais j'viendrais vous voir.

Anne... Je suis Aeldred.

Le garçon la regardait, perplexe. Anne avait très envie qu'il réponde favorablement à sa demande. Elle savait qu'elle devait beaucoup à Mysouris, bien plus que ce que la dame avait jamais pu imaginer. Pour l'aveugle, la fillette de Vienne n'avait dû être qu'une rencontre parmi des centaines d'autres, une voix au milieu du brouhaha d'une chasse au faucon, qui avait réveillé un passé douloureux. Dame Mysouris lui avait cependant écrit, quelques mois après la rencontre. Anne avait répondu, mais une sorte de pudeur avait retenu sa plume - ou plutôt son calame, vu qu'elle était encore trop maladroite pour écrire à la plume sans faire de pâtés. Elle n'avait pas su lui dire à quel point elle gardait précieusement en mémoire ses paroles.
Ce petit, là, qui se retrouvait si seul à son tour, elle ressentait le besoin de le protéger, parce que Mysouris ne pouvait plus le faire, et qu'elle-même devait quelque chose à Mysouris.
Le sentiment d'une dette n'expliquait pas seul l'anxiété avec laquelle elle attendait la réponse du gamin. Il regardait les personnes présentes, la foule des Dames Blanches qui commençait à s'écouler lentement sur le parvis, scrutait les visages. Et Anne avait l'impression qu'il cherchait quelqu'un, ou quelque chose, une raison d'espérer, de croire en l'humanité. Elle-même avait fait cela si souvent !
Il se tourna vers elle, elle retint son souffle. Elle soutint son regard, il abaissa le sien vers Drizz.

Je viendrai. Pas tout d'suite, mais j'viendrais vous voir.

Soulagement et déception mêlés... Il viendrait. Anne pourrait apprendre à mieux le connaître, à chercher chez lui l'étincelle qui avait embrasé le cœur de Mysouris. Mais pas tout de suite. Elle hocha la tête.

Quand vous voudrez, Aeldred. Les portes de l'hôtel de Culan vous seront toujours ouvertes. En souvenir d'elle... elle se tourna un instant vers la nef, tout au bout de laquelle le catafalque recevait les derniers hommages du silence ... et pour que nous fassions plus ample connaissance.

Elle salua le chien d'une rapide caresse, l'enfant d'un grave signe de tête. Lentement, elle remonta le courant des Blanches, se porta à la rencontre de Mysouris. Un effleurement du drap sombre qui recouvrait le cercueil, une prière silencieuse, les yeux qui se fixent sur les dalles, le temps de s'assécher.
Anne se signa, et ressortit au grand soleil d'août.

Citation :

Mes amis, nous sommes tous très affectés par le départ de Mysouris. J'ai moi-même perdu une amie loyale. Mais tâchons de faire fi de notre peine, et au contraire réjouissons-nous car notre soeur est désormais heureuse au Paradis. Elle est maintenant loin des tourments d'ici-bas, et veille sur nous!

Je ne cherche pas à minimiser notre douleur, non! Mais il est dans la nature des choses qu'Aristote rappelle à lui ses enfants, même si c'est toujours trop tôt selon nous.

Certes... le curé avait sans doute raison... mais comment? COMMENT? c'est bien beau de dire que nous ne devons pas être triste mais nous réjouir de savoir qu'elle a rejoint Aristote... lui devait se réjouir de l'avoir prés de lui mais nous, nous que pouvons nous ressentir si ce n'est le vide et la tristesse?

Mélusine tentait de chasser ces pensées bien peu aristotéliciennes mais elle ne pouvait se résoudre a sourire et a se réjouir pour sa soeur. Elle l'avait peu connue, souvent croisée mais peu découverte, mais une soeur reste une soeur d'arme de coeur ou de sang . Une compagne valeureuse qui l'épatait quand elle la voyait monter a cheval et en remontrer aux plus valides a la quintaine, ou encore quand guidée par une Blanches elle s'armait d'un arc, comme les autres ... comme les autres toujours.

La force de caractère de Mys l'avait toujours laissé pantoise. Comment cette femme faisait elle pour accepter sa cécité et se battre encore, toujours pour continuer a toujours tout faire comme quand elle était valide, pour combattre et se déplacer sans jamais se plaindre?

A voix basse plus pour elle et sa soeur d'armes que pour les autres, la brunette chuchota:

Mys ... trop tôt partie, trop bêtement partie. Si tu m'entends de là où tu es sache une chose: en te rencontrant j'ai compris ce que courage voulait dire, a ton côté et j'ai appris la volonté et ai compris que rien n'est jamais impossible a qui s'en donne les moyens, quelques soient les embûches que la vie se charge de mettre sur notre chemin. Je ne te l'ai jamais dit et ne te l'aurai sans doute jamais exprimé a voix haute... mais j'essayerai de toujours suivre ton enseignement et ton exemple. Repose en paix ma soeur, tu va nous manquer.

Quelques uns vinrent parler. Je fut très émue de les entendre, et particulièrement quand George chanta cette chanson. Oui, les souvenirs affluent en les voyant.

Et là bas, cette jeune fille qui se lève, ne serait ce pas Anne-Blanche ? Justement, cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu de nouvelles. Il est vrai que... nous n'avons pas écrit non plus.

Dehors, il y a Aeldred, peut être ces deux là s'entendront ils. Ils doivent avoir le même âge ou pas loin.

Tiens, une Baile qui se lève ? Comment je sais que c'est elle ? Je sais pas. Je la vois, et je sais. Manière d'être peut être, quelque chose que les autres n'ont pas. Alors... approchons nous, pour voir mieux, puisque je peux voir maintenant.

Elle tremble un peu, la Baile. Et que donc nous sort elle de sous sa chemise ? Norf de norf ! Jamais encore on ne m'a offert de fleur ! Encore moins une rose rouge. Je crois bien que si j'avais encore un cœur capable de le faire, il s'emballerait.

Et puis ? cette dague ? Serait ce ? Sais pas, mais je dirai que oui. Je ne saurai jamais qui, au Palazzo de nos souffrances à toutes deux, à sauver l'autre. Folie que j'ai eu ce jour là de me mettre sur ton chemin. Envie d'y rester ? Peut être, mais crois moi ou non, j'en suis ressortie bien moins meurtrie que toi. Et bien plus forte de cette expérience qui m'a redonné gout à cette vie que je viens de perdre.

Je sais que tu t'en veux, mais moi je te dis merci. Merci d'être ce que tu es.

Si au moins tu pouvais me sentir dans ce bâtiment en cet instant spécial, à défaut de pouvoir m'entendre.