Prémices d'un nouveau départ

Une porte qui grince sur ses gonds. Pas d'erreur, c'est la grande porte d'entrée... étrange, c'était elle qui était en poste aux portes aujourd'hui...

Elle sortit de sa cahute pour voir si un intrus ne tentait pas de rentrer par la force... non c'était quelqu'un qui partait mais elle n'avait pas été prévenue...

"Excusez-m... Tit????? mais... où vas-tu?"

Elle retroussa les pans de sa soutane et couru vers elle aussi vite que possible, la gorge étreinte par un horrible pressentiment.
Son amie portait un gros baluchon, signe qu'elle avait prit toutes ses affaires avec elle. Quittait-elle l'abbaye?

Titca lui expliqua en quelques mots les raisons de son départ... non l'abbaye sans Tit c'était impossible!
Son instinct qui l'avait averti qu'une tempête se levait ne l'avait pas trompé, à nouveau...
Un instant, elle le maudit cet instinct qui lui dictait sa conduite et l'avertissait constamment lorsqu'un nuage noir planait autour d'elle.

Mais déjà Tit se détournait de l'abbaye, et, sans lui accorder un regard s'apprêtait à prendre la route.

Sa main jailli avant même qu'elle ne s'en rende compte.
Elle lui attrapa le poignet sans lui faire mal, une petite secousse lui aurait suffit pour se libérer.

"NOOOOOOOOOOOOOON"

Au bord des larmes, elle lâcha:

"Quel est l'intérêt pour moi de rester si toi tu pars?
Tu es celle qui m'a ouvert les yeux et l'esprit Tit, tu es comme ma marraine spirituelle, même si aucun lien ne nous lie, autre que l'amitié, je ne conçois pas rester ici si tu n'y es pas pour que l'on discute encore et encore.

Non, je pars avec toi, c'est décidé! laisse moi juste le temps de prendre mes maigres affaires et de prévenir ma soeur. Elle comprendra je pense, quoique je pense plutôt qu'elle viendra elle aussi. Nous avons été séparées trop longtemps pour supporter une nouvelle séparation.

Je.... nous ... pouvons... t'accompagner?"

Sans lui laisser le temps de répliquer, Tit c'était éloignée.
Mais que racontait-elle?
Un poste? un rôle? mais qu'en aurait-elle à faire si elle ne pouvait en faire partager la joie à son amie.

Elle fit demi tour également et rentra dans l'abbaye, tristement, sans savoir si Tit pensait ou non ce qu'elle lui avait dit.

Non elle ne pouvait pas le penser réellement! c'était impossible, elle ne pouvait avoir simulé leur amitié.

Elle se mit à courir, lentement d'abord, puis de plus en plus vite et arriva à sa cellule en un temps record, ses sandale claquant sur les dallages.
Elle emballa ses affaires rapidement, laissa un petit mot pour sa soeur adorée lui expliquant son geste puis fila à l'écurie récupérer sa jument.

Sa décision elle l'avait prise, et pas même Tit ou Aristote ne la changerait.

D'un bond, fut sur la selle, et galopa après son amie.
Elle pourrait râler, elle était grande, majeure et mariée, elle faisait ce que bon lui semble.

Elle la rejoignit très vite et bondit de sa selle.

Les mains sur les hanches elle se planta devant elle d'un air de défi.

"Tu peux me dire ce que tu veux, me détester même si tu veux.
Mais je ne veux pas rester à Noirlac si tu n'y es pas. Ma décision est prise et je n'en changerai pas.
Maintenant, on peut y aller? tu es attendue il me semble".

Elle regrimpa sur sa jument et tendit la main à Tit pour la laisser monter en croupe.

[A une centaine de mètres de l’Abbaye]

Comme il s’y était engagé quelques jours auparavant, Thibalt devait aller chercher Typhanie si elle décidait de quitter définitivement l’Abbaye de Noirlac. Depuis ses nombreux conflits avec un des membres présents dans ces lieux, l’Aragonais avait fait de son mieux pour n’y remettre jamais les pieds, ne serait-ce que pour respecter la paix qui pouvait y régner. Il aurait pu aller là-bas et tenter d’évincer ses adversaires, mais ça n’aurait finalement eu aucun intérêt car ça ne l’intéressait pas. Ca ne l’intéressait plus.

Alors qu’il devait déjà être loin en Limousin, il retourna donc dans l’Abbaye en se frayant un chemin entre forêt et marais. Ses vêtements étaient sales, mais il gardait fière allure. Marchant en direction de l’Abbaye, il vit au loin que Sakura était en train de discuter avec Typhanie. Heureux de revoir ses deux amies, et comme il ne savait pas de quoi elles pouvaient pas bien parler, il les interpella d’un « Hey ! » avant de leur faire signe.

Accélérant le pas, il comprit qu’elles étaient dans une conversation assez intime et il indiqua d’un geste à Typhanie qu’il avait tout son temps. S’écartant du chemin, il prit place dos à un arbre et but les quelques gouttes d’eau qu’il restait dans sa gourde. Alors qu'elles semblaient sur le point de se dire au revoir et que Typhanie s'approchait d'elle, l'Aragonais se releva et lui adressa un sourire quand Sakura arriva à toute allure sur sa jument. Un peu surpris, Thibalt fit quelques pas en arrière.

De ce qu'elle venait de dire, elle ne semblait pas décidée à laisser partir Typhanie de la sorte, ou tout du moins elle voulait l'accompagner. Adressant un sourire à l'auvergnate, l'Aragonais lui dit :

«Et moi alors ? On m'oublie peut être ? Pourquoi ne descendrais-tu pas de ton cheval, qu'on le charge comme un mulet et qu'on avance tous les trois au même rythme ? On a de la route à faire !»

[A la porte laissée entr'ouverte]

Les bruits de pas précipités résonnant dans le couloir des cellules la sortirent de sa somnolence, alors qu'elle hésitoit entre deux solutions pour rédiger la réponse à la nouvelle leçon reçu de l'archevesque de Bordeaux.

Rédiger une belle cérémonie selon ses directives, ou adapter une ancienne messe à la sauce aurelienne ? La plume en l'air, l'esprit ailleurs, l'encre avoit fini par couler le long du tube rigide, fraische coulée de liquide laissant sa trace de sa paume à son poignet.

Sursautant au raffut dans le couloir, Eloin jeta un oeil dépité à la vaste tasche noire sur sa main et son bras.
Inquiète tout de mesme de savoir ce qu'il pouvoit bien se passer, l'oblate se leva prestement de sa chaise, ayant posé la plume sur le bureau, et ouvrit la porte de sa cellule. Elle eut juste le temps de voir soeur Sakura tourner à l'angle du couloir, vers la conciergerie, comme si elle avoit le Sans Nom à ses trousses. Fronçant les sourcils, de plus en plus étonnée, la jeune femme referma la porte de sa chambre et s'élança elle aussi dans le corridor, passant à costé du réfectoire, laissant le cloistre et la crypte des novices à sa droite, et s'arresta net aux portes de l'Abbaye, ayant reconnu au loin la silhouette de soeur Titca, que venoit de rejoindre soeur Sakuramine. Un homme sembloit les attendre non loin, et il ne fallut guère de temps à la cistercienne pour comprendre de quoi il retournoit.

Les larmes aux yeux, elle s'appuya au chambranle de la porte, se souvenant des premiers jours à l'Abbaye de soeur Titca, si indésirable au départ, et qui pourtant avoit su trouver sa place. Du moins elle l'avoit vu ainsi, pour sa part, mais visiblement ce n'estoit plus le cas.

Une hécatombe... Une véritable hécatombe... Pourquoi ? Pourquoi Noirlac ne parvenoit point à garder assez longtemps ses laïcs ? Pourquoi tant partoient plusieurs semaines après s'estre investis, avec le sentiment de ne plus servir à rien, de l'aigreur au fond du coeur ?

C'est quoi qui ne tourne pas rond, chez les cisterciens ? Se surprit-elle à murmurer, la teste appuyée contre la pierre dure du mur.

Soudain, elle se redressa, et toute la colère refoulée en elle depuys des semaines explosa. Eloin s'écria, levant un poing menaçant vers le trio à quelques pas de là.

C'est bon, je peux fermer la porte ? Ou y'en a d'aultres qui veulent prendre la poudre d'escampette sans dire adieu à ceux qui pensoient avoir trouvé là des amis ?!

Non mais, allez hop, c'est jour de ménage, on vide l'abbaye, on ferme boutique ! Allez, tout le monde dehors !

Et, d'un geste rageur, le regard triste et morne, elle flanqua la porte et s'en retourna en sa cellule au pas de course, les larmes coulant sur son visage plus surement qu'un torrent de rivière.

Sakura tendait le bras à Tit qu'un mouvement non loin de là suspendit son geste.
Elle ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes.

"Thibalt??"là elle était perdue. Heureuse de le voir, ça elle ne pouvait le cacher, mais perdue.
Et surtout, le sentiment de faire l'erreur de sa vie la taraudait.

Elle laissa retomber son bras et descendit de sa monture.

"Dis Tit... Noirlac est fait pour moi, comme tu l'as dit, mais Noirlac est aussi fait pour toi. C'est ta maison, la notre.
Tu... es sûre de vouloir partir en fait?
Si vraiment tu veux partir, je te suivrais, même si je n'ai pas envie de partir.
Nous avons une vie ici chacune maintenant, et tant de bons souvenirs...
Et puis... je comprends pourquoi tu souhaites partir.... mais.... ne prenons-nous pas la fuite en fait?"

Aux portes, Sakura reconnu Soeur Eloin qui les regardait, en colère de les voir partir sans même dire au revoir...
Juste colère que la sienne.
Elle ne connaissait que très peu Soeur Eloin, même pas du tout, mais un pincement au coeur lui disait qu'elle aurait bien aimé la connaître.

"Nous avons encore des choses à faire ici Tit... si on rentrait?"

Citation :

Mais... je sais plus Sakura... j'aime l'abbaye, j'aime cette vie... et pourtant je serais juger, en bien en mal...on passe notre vie à être juger et j'aime pas cela ! Je suis moi, comment peut-ont me juger sur ma personne ? Certains m'aime, d'autre me déteste... Certains serons fier ! D'autre dégouter et dans tous ses sentiments je ne sais pas lequel je dois choisir moi ! Le bon, le mauvais ? Les deux ?!
Il est dur d'être juger en bien ou en mal... le bien nous donne confiance et nous pousse a la faute...le mal nous détruis et nous pousse au départ...

Elle s'assit à même l'herbe, prêt de son amie.
Thibalt ne faisait aucun bruit, comme pour ne pas influencer le cours des événements et laisser à Titca son libre arbitre s'exprimer.

"Oui, je sais Tit, c'est dans la nature humaine de juger, rien ne peut lutter contre cela, il y aura toujours des juges et des jugés, c'est inévitable.
C'est à toi de savoir simplement si tu préfères te laisser dicter ta conduite par les jugements d'autrui, qu'ils soient bons ou mauvais...
Tu disque le jugement en bien des autre nous donne confiance et nous pousse à la faute, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. Ou pour être plus précise, tu as oublié de dire que ce sont ces jugements qui nous aident à avancer quotidiennement, car on appelle ça "conseils" et "soutien".

Les gens critiquent? oui c'est vrai... ils critiquant d'autant plus les autres qu'ils sont eux même loin d'être irréprochable. Il faut les ignorer.
Je sais, c'est simple dit comme cela, mais j'ai moi même souvent fait l'objet de ces mêmes jugements et critiques. J'ai juste apprit à fermer mes oreilles aux mauvaises, laissant les gens discuter dans mon dos si cela les amuse.
Car après tout, c'est humain....
Bien sûr ils me parviennent, mais si j'estime que ces critiques sont justifiées, je m'en sers pour tenter de devenir meilleure.
Je sais que tu as ma force d'âme nécessaire pour l'endurer.
Et d'ailleurs, personne ne t'empêche de répondre de temps à autre quand ces mauvaises langues dépassent les bornes.
Mes paroles ne signifiaient pas de tendre le dos pour recevoir le bâton.

Détache toi de cela Tit et tu verras que malgré les médisances, la vie est belle.
On te critique? oui, mais tu as un époux qui te chérit, cinq enfants merveilleux.
Comment une mauvaise femme peut-elle arriver à tout cela? pense à eux si l'on dit du mal de toi, accroche toi au bien et écarte le mal."

Le silence s'installa. Il était extrêmement rare que Sakura parle autant, mais la faim justifiait les moyens.
Elle se releva, épousseta sa tenue et s'approcha de sa monture qui attendait patiemment de voir si elle allait ou non reprendre la route pour lui flatter l'encolure, laissant à Tit le temps de réfléchir et de méditer sur ses paroles.

Titca assise sagement dans l'herbe réfléchissant sans vraiment bouger, elle écoutait simplement sans grande réaction en fin de compte tout deux avaient raison dans leur parole et tort à la fois... Puis soudain un homme arriva Titca se leva et courut pour lui sauter au cou telle une lionne, d'ailleurs petite comme elle était la jeune femme était obligée de sauter pour ne pas lui attraper le ventre et tomber lamentablement au sol, le souci avec Horcy c'est qu'il était bien dodu et Titca rebondit sur son ventre. Déposant ses lèvres sur la joue de son ami elle lui lâcha le cou et reposa ses pieds au sol l'écoutant bien sagement.... quand soudain ! Ben tien c'était du Horvy cela, Tit lui enfonça le coude dans le gras et fit de gros noeils.

Tsss mon frère ! Reste gentil je te prie ! Il est venu pour nous soutenir et pas pour chercher la guerre, ne la provoque pas.

Combien il devrait payer ? Gné ?! Sacré Horvy c'était bien un Nivellus !

Ben... rien, pas l'ombre d'un écu... Je me sens simplement bien seule ... C'est cela le souci... le boulot, le boulot, mais ... j'ai aussi besoin d'amitié moi d'une oreille attentive et de rire un peu...

Titca regarda Horvy puis Sakura et compris enfin le problème qui la déchirait, il lui fallait un certain équilibre entre rire et travail, entre sérieux et moment de détente. Mordillant ses lèvres elle regarda son frère puis sa soeur de coeur et ferma les yeux.

Tiens, le gros. Ca faisait longtemps que Thibalt ne l’avait pas vu. Lui adressant un léger sourire en entendant sa répartie d’enfant de quatre ans, l’Aragonais se leva, enchanté de le revoir.

« Diacre Horvy ! Quel plaisir de vous revoir ! Vos rondeurs m'avaient presque manqué ! »

Il rit, repensant à ses quelques paroles tandis qu’il lui mijotait une réponse comme il en avait le secret. Oh oui il l’avait critiqué, comme il se devait d’ailleurs et Berruyer en avait eu pour son grade à son tour. Si cela l’avait blessé, Thibalt lui ferait parvenir un petit bouquet de fleurs, espérant que la chèvre énorme face à lui ne les mange pas avant qu’elles ne parviennent au main du destinataire.

« Vous avez oublié quelque chose je crois… De quoi je me suis plaint par rapport à vos réquisitoires ? Non pas que vous disiez des grossièretés, mais que vous disiez des mensonges et accusiez sans preuves. D’ailleurs, je tiens à vous féliciter pour votre témoignage contre Collins, c’était du grand art. Parler des relations sexuelles d’un accusé pour justifier ses actes, en voilà des arguments de choc ! »

S’approchant un peu du petit gros, l’Aragonais lui chuchota à l’oreille :

« De toute l’histoire de l’humanité, un homme n’a jamais eu autant besoin de se dégorger les bourses que vous, Horvy. Vous devriez vous y mettre, je suis convaincu que votre sphincter se relâcherait aussitôt. . »

Sortant sa bourse, Thibalt lui jeta une dizaine d’écus au visage.

« Pour une fille dans un bordel, ça vous fera du bien. Tout se moyenne, même l'amour d'une femme, parait-il. Du moins, ça doit marcher comme ça chez vous. »

Adressant un regard amusé aux demoiselles, il enleva son chapeau pour les saluer et ajouta :

« Je vous laisse, je suis convaincu que vous saurez me retrouver un peu plus loin. J’ai d’autres cochons à abattre que celui-ci. »

Sans attendre, il vit volte-face et partit un peu plus loin sur la route pour ne pas avoir à subir la présence de ce crétin qui, certes, était au conseil ducal, mais n’était pas intelligent pour autant. En plus, le fait de moyenner la présence des demoiselles contre de l'argent l'avait profondément choqué. Depuis quand on moyennait la foi ? En même temps... Chez Horvy comme chez ses amis, tout est permis...

Rien compris! elle n'avait strictement rien compris!!

Alors qu'elles étaient assises dans l'herbe à s'interroger sur la possibilité de rester à Noirlac, le frère Horvy avait fait son apparition.
Et c'est là que les choses étaient devenues insaisissables pour la Montluçonnaise...

Visiblement, Thibalt et Horvy se connaissaient... et manifestement, se détestaient cordialement, en témoignaient les insultes qui fusaient de part et d'autre.
La jeune femme sentait ses oreilles s'enflammer en entendant certaines de ces insultes.

Puis tout à coup, sans savoir pourquoi, elle reçu des écus sur les genoux. Il fut question de nettoyage de la cellule de frère Horvy, de massage et de trois compliments pour 30 écus par semaine.

Le temps que les informations s'assemblent et remontent jusqu'à son cerveau ébahi, Tit avait pris les choses en main.

Leur hurlant d'arrêter leurs gamineries, elle se leva subitement en la prenant par la main telle une enfant puis l'entraîna à grands pas vers Noirlac.

La jeune sergent sourit. Sans l'intervention d'Horvy elles seraient toujours à refaire le monde assises sur leur monticule d'herbe, peu sûres de leur choix.
Et il n'y avait pas de doute, tant pour Tit que pour elle, leur place était à Noirlac!
Un sourire naquit sur ses lèvres, elle était reconnaissante à Horvy et Thibalt, leur dispute avait précipité les choses et c'était tant mieux en fin de compte.

Des pas se firent entendre près d'elles... Horvy justement!

Citation :

"alors ma soeur on est d'accord ?
trente écus^^"

Elle sourit à l'imposant frère.

"L'offre est alléchante mon frère, mais entre mon noviciat, la conciergerie et la prévôté, je crains de ne point en avoir le temps.
Je suis flattée par cette proposition que je suis contrainte de décliner"

Petit clin d'oeil à Horvy et les deux femmes s'évaporèrent comme par magie dans les couloirs qu'elles avaient quitté... il n'y avait pas si longtemps.