Arrivée de Safranne, dite "La Fiole"

Du haut de la colline, on entendait déjà les cris de joie venant de la halle. Ma troupe avait commencé certainement ses pitreries. Lee dans le rôle du ménestrel, Mirlog dans celui du jongleur gaffeur, et Allalona en prude Galantine. j'avais eu quelques difficultés à lui faire enfiler ce costume qui était le mien. Sa timidité paralysait sa voix, et il avait bien fallu plusieurs jours de répétition pour enlever ce chevrotement de gorge. Lee, mon frère, n'avait pas été des plus enthousiaste à mon départ vers l'abbaye. Mais notre chef religieux étant mort, il nous fallait un suivant. "T'es de loin la plus fufute de toute la troupe, et la moins pécheresse. T'es la bonne personne pour les curetons."

Donc me voici devant cette lourde porte en chêne. Une cloche. Je sonnai.

Le judas glissa laissant apparaitre une paire d'yeux inquisiteurs.

Safanne, dites La Fiole. Chef de la Troupe des Baladins qui se trouve dans c'tte village en bas de la colline. Elle montra du doigt le toit des maisonnettes. Y'a quelqu'un à qui parler pour apprendre ce que nous dit Christos? J'voudrais bien apprendre. On m'a dit de v'nir voir le Père Nez-au-corps...

Défunt/Fantôme Nombre de messages : 1773 Date d'inscription : 20/06/2008

Bonjour ma soeur, oui nous pouvons.

Combien êtes vous? êtes vous armés?

Je vous ouvrirai dès que vous m'aurez répondu ma soeur.

Je me doutais bien que des mines cloisonnés entre quatre murs avaient du perdre leur politesse et prendre la dureté de la pierre, mais néanmoins, cette sécheresse dans la voix ne cadrait pas bien avec l'idée de l'Amour Aristolicien.

J'enlevai ma cape, un poil excédée par les manières de l'Aristolicien bourru et l'agitait devant lui, ce qui se ressentait dans son ton.

A moins que vous n'ayez la berlue, je suis seule. Et vous entendez? ... Pas de bling-bling de poignard ou d'épée.

Je tournai sur moi-même.

Pas plus que couteau à ma ceinture, juste une gourdasse d'alcool de prune. Ca vous tente?... Ca tenterait p'têtre bien le Sieur Nez-au-corps si vous lui en touchiez deux p'tits mots.

Je dis ça de manière ironique, car rien que l'idée que ces lèvres antipathiques touchant ma gourde me dégoutaient.

Neocor avait entendu la conversation... Une voix féminine n'avait-elle pas prononcé "Nez au Corps" ? Et si c'était pour Lui... Nainainus s'était un peu assoupi quand il descendit vers la porte... Il prit soin de ne point le reveiller...

Ouiii... C'est ti quoi votre nom ? Et vous demandez qui ?

Une voix derrière la porte. Une voix guère plus sympathique que la précédente. Une voix un peu éteinte comme celle des ivrognes qui se réveille le lendemain la tête dans leur déglutition, et l'esprit encore dans les nuages.

Ouiii... C'est ti quoi votre nom ? Et vous demandez qui ?

Je ne tardais pas à répondre :

Safranne ou LaFiole, ça dépend si vous voulez un remède contre les démangeaisons ou pas. Mais je ne viens pas pour ça. La vieille qui faisait notre instruction religieuse dans la troupe est morte y'a moins d'un mois et je viens donc apprendre chez vous pour pouvoir prendre sa place. Elle m'avait parlé d'un Nez-au-corps. Au départ je croyais que c'était une maladie, mais bon elle m'a dit que c'était un bon religieux, pas trop tatillon, et qui lui avait appris pas mal de choses sur Aristote. Y se trouve bien là, cet homme?

"Safranne" ou "La Fiole" ? Le vieil homme laissait aller son imagination... " Si c'est La "Fiole" qu'on la surnomme, c'est qu'elle doit être portée sur la forte se dit-il...

Et queske vpus y voulez au bon Neocor ? Qu'il vous enseigne la Pastorale ? Bon, je vous le dis quand même, c'est moi que vous cherchez ! Mais je tiens à vous prévenir que j'ai jadis connu une Lafiole et que c'était pas une personne bien fréquentable... Vous avez de la famille dans le coin ?

Il fouilla dans sa poche, voir s'il avait les clefs...

Un LaFiole? Dans vot' contrée?

J'haussai des épaules.

Probable, dirons-nous ! Mais ce n'est qu'un nom.. de scène dans mon cas.

Car je prenais mon métier de vendeur de fioles aux vertus de guérison comme un art. Mon étal, une estrade pour mieux jouer la comédie, des mensonges maquillés d'un beau sourire pour quelques sous dans ma paume, pendant que mes amis distrayaient les futurs arnaqués extraits momentanément de leur douleur et de leur basse condition.

Ce sourire, je l'affichai devant le vieillard qui m'ouvris la porte:

Mais croyez m'en bien, je n'ai pas l'âme vile des LaFiole de votre connaissance.

Il écoutait avec attention et pourtant un sommeil lui vint d'un seul coup... appuyé à la porte, le bon Neocor ronflait ! Il fût réveillé par un petit vacarme, quelqu'un s'impatientait de l'autre côté de la porte... Il mit quelques secondes à réaliser...

Lafiole ? Ah oui, Lafiole, qu'est ce que vous faites derrière cette porte à vous geler ? Entrez, vite...

Il ouvrit et découvrit la dénommée... Bonjour mon Enfant, que puis-je pour vous ? Et puis, pourquoi n'êtes vous point entrée ?

Je me demandais si je n'entrais pas chez les fous. Nez au Corps et peu d'Esprit? Il m'avait laissé geler dehors.

Bon je vous pardonne... On m'a parlé de vous en bien. Mais bon, si j'ai un rhume,, vous ne vous étonnerez point, mon Gars, de n'point m'voir à la messe !

J'm'en vais trouver moi même le recteur. Vous recontez déjà les moutons de nouveau !

Je m'éloignais dans les couloirs sombres.

Le frère Bardieu croisa une femme à la voix indiquant long sur son éducation, enfin, son absence d'éducation et s'approcha d'elle.

Ma sœur, j'ai entendu du bruit et la voix du père Néocor ainsi que le nom de "recteur". Puis-je vous aider dans quelque objectif que ce soit ?

Safranne fut décontenancé par la voix calme et apaisante du moine.

Je regardais la barrique ambulante. De la barbe, ça il en avait. Elle couvrait presque son ventre imposant. Mais il parlait avec douceur. Un peu comme un conteur sur une foire entouré d'enfants. Une voix grave, bienveillante.

Vous auriez été un sacré bonimenteur, un excellent même !
Vous avez un'voix qui mettrait en confiance, même les plus méfiants. Vous n'avez point pensé à un changement de voie? Vendeur de médicaments ça vous dirait? Quand vous voudrez, v'nez m'trouver dans ma piaule qui me sert de geôle mystique, on pourra parler affaire. Mais bon vous seriez débutant, comptez pas avoir plus du tiers du profit, vous êtes débutants non mais...

Coupant cours à toute protestation. Je savais reconnaitre un bon commerçant quand j'en rencontrais un.

J'sais qu'c'est un peu précipité mais bon... penser à tout ces écus qui feront bling bling dans vos oreilles. Vous pourriez remplir tout le tronc de votre église... pour les pauvres, hein?

Je lui adressais un clin d'œil et lui donnai une petite tape sur le ventre.

Ou pour satisfaire votre appétit d'ogre, hein. Y 'a pas de mal à se faire du bien.

Bardieu n'eu qu'une seule et unique réponse aux remarques de l'apparente impertinente.

Ah ah ah ah ! Elle est vraiment drôle !! Oui, c'est vrai, j'ai vendu quelques médicaments dans ma jeunesse et j'étais plutôt fort pour cela, mais maintenant j'ai un nouveau jeu, c'est encore plus drôle. Je fais la même chose avec la foi, je la répands, les gens achètent ou pas, mais il faut les convaincre et c'est pas une vie facile alors je viens de recharger au monastère de temps en temps.

Le vieux moine fut surpris par la remarque désobligeante de la femme sur son collier d'ecclesiastique.

Ah, ça ma fille, c'est un souvenir de chez moi, de Constantinople, j'y tiens beaucoup, c'est sur que ça vaudrait plusieurs milliers d'écus, mais bon, j'y tiens, pour des raisons sentimentales. Par contre, si vous avez faim, on peut aller vers la cuisine ?

Je ne compris pas pourquoi il me parlait de son collier. Je retenais un haussement d'épaule " S'il fait une fixette sur ses bijoux de famille, ce n'est pas mon soucis...".

La cuisine? Très bien. mon ventre crie famine et je dirais bien Amen à tous les poulets que vous me servirez "Amen ton aile que j'y plante mes dents !"

J'éclatais de rire.

Bardieu partit d'abord vers l'abbatial afin d'y continuer sa cérémonie (il faisait régulièrement des pauses pour éviter de mourir sur l'autel de fatigue) et se dirigea ensuite avec la sœur Safranne vers la cuisine.

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